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Le Mexique est un pays admirablement doué par la nature ; c’est la flore la plus riche et la plus variée qu’on puisse imaginer : tout y vient. En se rendant du littoral à Mexico, on gravit une succession de terrasses qui offrent l’une après l’autre, et quelquefois l’une à côté de l’autre, toutes les cultures, toutes les productions, depuis celles des contrées les plus ardentes de la zone torride jusqu’à celles des régions glacées du pôle. On rencontre la série tout entière des végétaux utiles, depuis la canne à sucre, l’indigo de l’Asie méridionale et le café de l’Arabie, jusqu’au lichen de l’Islande, en passant par le coton, l’olivier, la vigne, le maïs elles céréales sur lesquelles vit l’Europe. Ce n’est cependant point chose facile que d’utiliser, pour le commerce d’échange, cette merveilleuse aptitude du sol à tout donner à l’homme en retour d’un peu de travail. La population, sans doute parce qu’elle craint le climat du littoral et qu’elle sait ce qu’il en coûte pendant huit mois de l’année pour fréquenter la plage de la Vera-Cruz, quartier-général de la fièvre jaune, s’est réfugiée sur le vaste plateau que forme la Cordillère, devenue épaisse et massive au point d’occuper tout l’intervalle qui sépare les deux océans sur lesquels le Mexique est assis. Les hommes se sont concentrés sur la Terre Froide (Tierra Fria), dont pourtant il ne faut pas juger le climat d’après le nom qu’elle porte, car la saison d’hiver à Mexico ressemble aux plus riantes journées du mois de mai à Paris, et le nom qui, au gré d’un Européen, conviendrait le mieux à cette partie du pays, serait celui de Terre Sèche. Point de cours d’eau qu’on puisse canaliser, de manière à avoir des voies de transport économiques. Le beau bassin auquel on a donné le nom de vallée de Mexico, tout entier dans la Tierra Fria, est la seule partie du Mexique où il serait facile d’établir un bon système de navigation. Dans un pays nouveau et médiocrement industrieux, où les distances sont grandes, où le trésor public est vide et où la sécurité pour les associations industrielles a disparu, on ne peut songer à établir des chemins de fer. Sur le plateau, les routes pourraient s’ouvrir et s’entretenir à peu de frais, et il y a un certain nombre de voies charretières qui restent praticables tant bien que mal, quoique personne ne s’en occupe ; mais, le long des pentes çà et là abruptes par lesquelles le plateau se relie avec les bords de la mer, elles coûteraient cher. Une seule avait été établie, avec magnificence il est vrai, celle de Perote à la Vera-Cruz, joignant Mexico à ce port, et elle est dégradée aujourd’hui. Ainsi, avec quelque abondance que le pays puisse rendre, dans la Terre Chaude, les denrées d’exportation sur lesquelles vivent et prospèrent les colonies des Antilles et des Indes-Orientales, le sucre, le coton, le café, et, dans la Terre Froide, le blé, dont les États-Unis expédient de grandes quantités dans les deux mondes, cette fertilité virtuelle du pays, dans l’état où sont les voies de transport, ne sert à rien pour le commerce extérieur. Le Mexique produit son propre