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Les hommes de ce tempérament sont enclins à croire qu’une mine d’or ou d’argent est une fortune immanquable. Ce n’est qu’une illusion, et cependant le préjugé qui s’attache aux mines d’or et d’argent n’est pas de ceux qui puissent disparaître. Toujours il y aura des hommes qui, cédant à un des penchans les plus forts du cœur humain, ne compteront, à propos des mines d’or et d’argent, que ceux qui y ont fait une immense fortune. L’appât de biens mystérieux et indéfinis, tels que ceux que recèle dans ses flancs une mine de métaux précieux, attraiera toujours le cœur humain. Il ne faut pas trop se plaindre de la puissance de ce mobile. Depuis l’apologue du laboureur et de ses enfans jusqu’aux plus grands événemens de l’histoire, mille faits prouvent que la poursuite d’une richesse mystérieuse a tourné très souvent au profit du genre humain. Assurément l’Amérique espagnole et portugaise et même une grande partie de l’Amérique anglaise, n’ont été colonisées que parce que des milliers d’Européens se sont précipités, d’un rivage de l’Atlantique à l’autre, à la recherche de l’or et de l’argent.

Nulle part, il faut le dire, l’appât n’était tentant comme au Mexique ; nulle part, en effet, il n’existe des mines d’argent plus nombreuses et plus riches. Je ne veux pas dire que tout le monde s’y soit enrichi. Il est vrai, la mine de la Purissima, à Catorce, a donné régulièrement, pendant une longue suite d’années, un profit net d’au moins 1 million, et quelquefois de 5 ou 6 ; dans le même district, la mine de Padre Flores rendit la première année 8 millions ; la Valenciana, près de Guanaxuato, a été, pendant plus de quarante ans, d’un produit brut annuel de 14 millions et d’un produit net de 2 à 3 millions, quelquefois du double ; le filon de Pabellon et de la Veta Negra, à Sombrerete, a livré à la famille Fagoaga un profit net de plus de 20 millions dans l’espace de cinq à six mois. Dans ce district, on a vu l’argent rouge (combinaison avec l’antimoine et le soufre) former la masse entière de filons de plus d’un mètre d’épaisseur. Cependant, si des fortunes colossales sont sorties des mines du Mexique, elles ont été peu nombreuses. Si la famille Fagoaga, les comtes de Régla et de Valenciana et quelques autres leur ont dû une prodigieuse opulence, les capitalistes anglais, qui y ont versé 150 millions peut-être depuis l’indépendance, sont loin de s’en applaudir, et pour les privilégiés eux-mêmes que de revers après des jours prospères dont on espérait ne pas voir la fin !

Le caractère aléatoire qu’offre, dans tous les pays du monde, l’exploitation des métaux précieux, se retrouve donc ici, où cependant les gîtes sont plus réguliers, mais où l’on est dans l’habitude de dépenser, pour foncer un puits, des sommes inouies, et où, sous le régime colonial du moins, les mineurs heureux se livraient à des prodigalités dignes des patriciens de Rome sous les Césars, ou des joueurs de tous les temps et de tous les pays quand leur a souri la fortune. L’histoire du