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Nelson conduisit le Généreux à l’amiral Keith, et cet amiral, rappelé devant Gênes par des circonstances plus pressantes, lui laissa le soin de bloquer le port de Malte, dont l’investissement se trouvait complet depuis que le brigadier-général Graham y avait conduit une partie des troupes anglaises qui tenaient garnison à Messine. Retenu loin de la cour, Nelson ne cessait de se plaindre de sa santé et d’insister auprès de lord Keith pour qu’il l’autorisât à rentrer à Palerme. En vain ce dernier lui représentait-il la nécessité de ne point disséminer ainsi ses forces, en vain lui défendait-il d’aller se ravitailler ailleurs qu’à Syracuse, en vain Troubridge lui répétait-il : « Malte ne peut tarder à se rendre, les seuls navires qui restent encore de la flotte d’Aboukir sont mouillés dans ce port ; écoutez les instances d’un ami sincère, ne retournez point en Sicile maintenant. Il peut être désagréable pour vous de rester sous voiles : eh bien ! laissez la le Foudroyant ; arborez votre pavillon à bord du Culloden, qui peut demeurer au mouillage, et chargez-vous de diriger les opérations du siége de concert avec le général. » Nelson n’y put tenir : comme Antoine, il eût en ce moment sacrifié un monde à son amour, et ne l’eût point regretté. Au mois de mars 1.800, il retourna à Palerme malgré la désapprobation de lord Keith, et, pendant son absence, le Guillaume-Tell, en voulant échapper à la croisière anglaise, fut capturé, après une héroïque défense, par 2 vaisseaux et 1 frégate. Nelson essaya de se consoler d’avoir manqué cette occasion de compléter son triomphe. « Je remercie Dieu, écrivit-il à lord Keith, de n’avoir point assisté à ce glorieux engagement, car ce n’est pas moi qui voudrais ravir la moindre feuille des lauriers de ces braves gens. »

Malgré la répugnance qu’éprouvait Nelson à quitter Palerme, il lui fallut, cependant reparaître devant Malte. Il y revint, amenant avec lui sir William et lady Hamilton, et quitta encore une fois cette croisière pour les reconduire en Sicile. Enfin sir William fut rappelé en Angleterre ; Nelson obtint d’y rentrer avec lui, pour entendre ces sévères paroles du premier lord de l’amirauté, le comte Spencer : « J’aurais voulu, milord, que votre santé vous permît de rester dans la Méditerranée ; mais, je crois, et c’est l’opinion de tous vos amis, que vous la rétablirez plus sûrement en Angleterre qu’en demeurant inactif dans une cour étrangère ; quelque agréables que puissent être pour vous les hommages et la reconnaissance qu’on y accorde à vos services. »

Le 10 juin 1800, Nelson partit de Palerme sur le Foudroyant. La reine de Naples, qui devait se rendre à Vienne, sir William et lady Hamilton furent reçus à bord de ce vaisseau. Nelson débarqua avec eux à Livourne. Ils traversèrent l’Italie, au risque de rencontrer quelque détachement de l’armée française, déjà victorieuse à Marengo, prirent passage à Ancône sur une frégate russe qui les conduisit à Trieste, et de là gagnèrent la capitale de l’Autriche. La reine s’y arrêta ; mais Nelson,