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qu’on préparait à l’Angleterre dans l’atroce réaction qu’il était facile de prévoir. Après avoir demandé à Palerme un honnête juge qui pût condamner sur la place ces misérables qui prêchaient la révolte à Ischia, après avoir voulu faire fusiller un général napolitain pour je ne sais quelle expédition manquée à Orbitello, le rude capitaine s’était soudain effrayé de voir son nom et celui de son amiral si intimement mêlés à ces querelles intestines.


« Je viens d’avoir une longue conversation, écrivait-il à Nelson le 7 mai 1799 ; avec le juge que la cour nous a envoyé. Il me dit qu’il aura fini son affaire la semaine prochaine, et que l’habitude des gens de sa profession est de se mettre en lieu de sûreté, dès que la condamnation a été prononcée. Il demande donc à être immédiatement embarqué, et m’a fait entendre qu’il voudrait l’être sur un bâtiment de guerre. J’ai appris aussi dans cet entretien que les prêtres condamnés devaient être envoyés à Palerme pour y être dégradés sous les yeux du roi, et qu’il faudrait ensuite les ramener ici pour leur exécution. Un bâtiment de guerre anglais employé à un pareil service ! En même temps, notre juge m’a demandé un bourreau. J’ai positivement refusé de lui en fournir un. S’il n’en peut trouver ici, qu’il en fasse venir un de Palerme ! Je vois bien leur plan : ils veulent nous mettre en avant dans cette affaire, afin d’en rejeter tout l’odieux sur nous. »


Ce fut dans cette situation d’esprit que Troubridge quitta la baie de Naples y laissa le capitaine Foote avec la frégaté le Seahorse et quelques bâtimens légers, et, le 17 mai, rejoignit Nelson à Palerme. Parti le 20 mai de ce port, Nelson y rentra, le 29. Il y apprit les nouveaux avantages que venait de remporter le cardinal Ruffo, et reçut, le 12 juin, au milieu de la nuit, la lettre suivante de lady Hamilton :


« Mon cher lord, je viens de passer la soirée chez la reine. Elle est bien malheureuse ! Le peuple de Naples, dit-elle, est entièrement dévoué à la cause royale, mais la flotte de lord Nelson peut seule ramener dans cette ville la tranquillité et la soumission au pouvoir légitime. La reine vous prie donc, mon cher lord, elle vous supplie, elle vous conjure, si la chose est possible, de faire en sorte de vous rendre à Naples. Pour l’amour de Dieu, songez-y et faites ce que la reine vous demande. Nous irons avec vous si vous voulez bien nous recevoir. Sir William est malade ; je suis loin d’être bien portante. Ce voyage nous fera du bien. Dieu vous bénisse ! »


Le lendemain, Nelson était sous voiles ; mais une lettre de lord Keith lui apprit que la flotte française devait être en ce moment sur la côte d’Italie, et cet avis le ramena encore une fois à Palerme. Il se hâta de mettre à terre les troupes siciliennes qu’il avait embarquées sur ses vaisseaux, et alla croiser pendant quelques jours devant Maritimo. Le 21 juin, cependant, cédant à de nouvelles sollicitations de la cour, et jugeant l’amiral Bruix suffisamment occupé par les forces qu’avait réunies le vice-amiral Keith, il abandonna cette croisière, reprit à bord