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naturelle, leur extrême sobriété, leur grande pratique des armes à feu, les rendent surtout propres à la guerre de partisans. Les premiers, sous l’empire du fanatisme religieux, ils devaient donner un commencement d’organisation politique à la réaction des campagnes napolitaines contre les villes. Un curé de la Scalca, petite ville situé dans la Calabre citérieure, don Reggio Rinaldi, était parvenu à se créer un parti dans le pays ; il écrivit au roi pour lui faire part des dispositions des habitans et le prier d’envoyer en Calabre une personne revêtue d’un caractère honorable avec laquelle il pût conférer. Cette lettre arriva à Palerme dans les premiers jours du mois de février ; elle trouva la cour dans le plus grand abattement, et n’espérant plus son rétablissement sur le trône de Naples que des succès des armées étrangères. La reine était alors fort souffrante et dégoûtée des affaires, dont elle avait cessé de s’occuper ; quant à Ferdinand IV, il ne se souciait pas plus des intérêts et de la dignité de sa couronne que par le passé. Il avait accepté avec une résignation stoïque la perte de la moitié de ses états, et ce revers, qui avait répandu la consternation autour de lui, n’avait point un instant altéré sa santé. « Le roi est le mieux portant de nous tous, écrivait Nelson à cette époque ; grace à Dieu, c’est un philosophe ! La reine seule a cruellement souffert de tout ce qui est arrivé. » Les propositions du curé de la Scalca furent donc accueillies à Palerme avec la plus complète indifférence ; mais elles avaient frappé un homme entreprenant et désireux de se distinguer, qui, pendant que tout le monde hésitait encore à la cour, s’offrit pour conduire cette entreprise.

Cet homme était le fils d’un baron calabrois, le cardinal Ruffo, déjà presque sexagénaire ; il avait été trésorier apostolique du pape Pie VI, et avait étonné Rome du scandale de ses amours et de ses prodigalités. Pour s’en débarrasser, le pape l’avait fait cardinal. Acton, redoutant son esprit remuant et actif, le nomma vicaire-général du royaume ; il crut le perdre en décidant le roi à l’envoyer en Calabre. A la fin de février, Ruffo parti de Messine et vint débarquer à Scilla, où il s’était ménagé des intelligences. Il n’avait ni soldats ni argent, car la bande armée du curé Rinaldi ne l’avait pas encore rejoint. La petite ville de Scilla lui fournit 300 hommes dont il se composa sa garde, et avec lesquels il passa à Bagnara, qui avait été autrefois un fief de sa famille. Des déserteurs, des malfaiteurs échappés des bagnes ou des prisons, des soldats que la république avait eu l’imprudence de licencier, grossirent bientôt sa troupe. La ville fortifiée de Monteleone mise à contribution lui procura les moyens d’étendre le cercle de sa propagande. Distribuant, ainsi que l’écrivait Nelson, des ducats d’une main, des bénédictions de l’autre, il fit de rapides progrès dans le pays et fut bientôt maître de la Calabre ultérieure. Le clergé calabrois, le clergé le plus ignorant et le plus fanatique de l’Europe, se joignit à lui pour prêcher