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Les provinces appelées, au mois de juin prochain, au renouvellement biannuel de leurs représentans et au renouvellement quadriennal de leurs sénateurs sont : la Flandre orientale, l’un des principaux centres de l’agitation unioniste ; Liège et le Hainaut, où les résistances de l’industrie drapière ne sauraient contre-balancer l’industrie des houilles, celle des fers, celle des chaux, qui fourniraient aux catholiques plusieurs voix en échange de l’union douanière ; enfin, le Limbourg, où les catholiques n’ont pas de concurrens sérieux. Quatre ou cinq nominations perdues dans les dix-neuf collèges que comprennent ces provinces, ou même le simple maintien du statu quo, et c’en est assez pour reculer de deux ans, de quatre ans, l’avènement jusqu’ici certain de l’opinion libérale : or, en deux ans, eu quatre ans, les catholiques peuvent beaucoup faire oublier. Que les libéraux y songent, tout moment d’arrêt dans la marche des partis est fatal ; car l’opinion y voit un signe d’impuissance, et, dans les moyens d’action de la propagande électorale, surtout en Belgique, où pullule la bureaucratie, il faut compter en première ligne l’aimant du succès. Quel que soit l’obstacle qui viendra refouler ou simplement ralentir le courant électoral ou la Belgique se précipite depuis quatre ans, la défiance, le découragement des esprits, s’accroîtront de leurs espérances trompées. Sans doute, les catholiques n’ont pas encore officiellement proclamé l’union douanière ; mais qui garantit qu’ils ne tiennent pas ce redoutable auxiliaire en réserve pour le dernier jour ? Ils sont parfaitement disciplinés, le moindre signal venu de Malines ou de Bruxelles les trouvera debout ; ils ont l’instinct des impossibilités matérielles, le courage décisif de l’imprévu : l’union douanière avec la France, dont ils ont déjà hasardé l’idée, leur coûterait moins de rétractations que les traités conclus par eux avec la Prusse et les Pays-Bas, presque à l’issue de la discussion du système différentiel. L’enquête ordonnée par le ministère, la promesse d’un premier secours, semblent avoir rassuré les populations flamandes ; pourtant, que les libéraux ne s’y méprennent pas, ce n’est là qu’une trêve. Si l’inefficacité, peut-être calculée et à coup sûr probable, des palliatifs qu’essaie le ministère de Theux réveille dans les Flandres l’agitation du printemps dernier ; si, au terme d’une situation tendue, à l’issue d’un hiver qui aura exaspéré toutes ces misères, toutes ces terreurs, la veille des élections enfin, les catholiques s’avisent d’inscrire sur leur drapeau ce mot d’union douanière qui fait bondir les libéraux, qu’opposeront les clubs, la franc-maçonnerie, à cette surprise dès long-temps préparée ? Des idées, des principes, des griefs moraux ? La faim, la peur, sont pour l’apostolat politique un triste auditoire. L’intérêt de la nationalité ? Les chefs de la coalition eux-mêmes ont désappris ce mot au pays. En 1839, à l’occasion du traité qui terminait la lutte hollando-belge par