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pays par des choix exclusivement hostiles à l’opinion, ou de se constituer chef d’opposition en donnant le coup de grâce à une majorité, peu digne d’égards si l’on veut, mais qui, après tout, avait pour elle le droit de priorité, l’autorité d’une position prise et légalement prise. En un mot, le roi, le parlement, le pays, avaient trois intérêts distincts dans la question.

Le roi, naturellement, songea tout d’abord au sien, et M. Van de Weyer reçut mission de composer un ministère mi-parti de catholiques et de libéraux modérés ; mais, soit vertige, soit que, désespérant de désarmer l’opinion par des concessions tardives, il voulût épuiser dans un dernier effort les ressources que sa majorité moribonde lui offrait, le parti catholique avait donné le mot à tous ses adhérens : aucun n’accepta le projet de M. Van de Weyer, qui résigna ses pouvoirs. L’ajournement du projet eût pu seul replacer les partis dans ces conditions d’immobilité auxquelles un ministère mixte était possible encore, et M. de Mérode, dont les excentricités oratoires n’excluent pas certain bon sens, en fit la proposition dans les journaux. Il ne s’agissait plus que de trouver dans ce groupe de libéraux déclassés où la politique mixte avait déjà recruté quatre ministres, MM. Nothomb, Goblet, Van de Weyer et d’Hoffschmidt, et où se tenaient encore, à distances diverses, MM. de Brouckère, Liedts, Dumon, Osy, Dollez, un homme qui voulût prêter la main à ce faux fuyant. Là précisément était la difficulté, l’impossibilité. L’approbation donnée par les catholiques à la convention de Tournay, leur acharnement à la maintenir, décelaient chez eux le parti pris formel de fausser par voie administrative les dernières garanties de l’enseignement laïque : accepter l’ajournement, c’était accepter sciemment la complicité indirecte de cette audacieuse agression. Or, M. Nothomb, à une époque où le parti clérical mettait encore les formes légales de son côté, avait fait une trop fâcheuse expérience de ce système d’effacement personnel, qui consiste à tolérer le fait en réservant le principe, pour qu’un seul libéral voulût la tenter après lui et sous des auspices plus compromettans. MM. de Brouckère et Dumon, sollicités de venir en aide à la couronne, subordonnèrent leur acceptation au programme même de M. Van de Weyer. M. Liedts, que le vote presque unanime des deux partis appelle chaque année à la présidence de la chambre des représentans, refusait, six mois auparavant, le portefeuille, pour conserver sa position parlementaire, et l’Achille de la neutralité avait moins de raisons que jamais de sortir de sa tente. MM. Osy et Dollez enfin, qui, à défaut d’influence personnelle, se seraient désignés au choix du roi par un passé à peu près libre de compromis, déblatéraient ouvertement contre les ménagemens observés à l’égard des catholiques. Des cinq membres qui composaient naguère la réserve mixte, quatre