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catholiques. La question de l’enseignement, dont l’intolérance avide du clergé a fait en quelque sorte la pierre de touche des deux opinions, atteignait mieux que toute autre ce double but. Sur le terrain de l’enseignement s’est opérée, ne l’oublions pas, cette formidable coalition de 1841, qui, combinant avec les garanties, l’autorité morale inhérentes au libéralisme modéré, l’ascendant révolutionnaire, les moyens de propagande et de police que l’esprit d’association avait mis aux mains des radicaux, a pu bouleverser en trois ans toutes les traditions électorales du pays. Sur ce terrain a succombé M. Nothomb, si habile pourtant à couvrir d’un vernis de libéralisme les mesures réactionnaires que lui imposait la majorité. Comme M. Nothomb, MM. Van de Weyer et d’Hoffschmidt allaient se trouver réduits à découvrir leurs collègues catholiques en se séparant d’eux, ou, ce qui reviendrait au même, à perdre je droit de les abriter en pactisant ouvertement avec eux. L’une et l’autre éventualité donnaient aux meneurs libéraux une entière liberté d’attaque et un moyen sûr de rallier les élémens encore mal disciplinés de la coalition de 1841. Hâtons-nous de dire que M. Van de Weyer n’a pas songé un seul instant à renouveler le jeu périlleux de M. Nothomb. Le projet élaboré par lui se réduisait à poser ou plutôt à constater ce principe : « que les communes ne peuvent déléguer à un tiers l’autorité que les lois leur confèrent sur leurs établissemens d’instruction moyenne, et que toute transaction contraire est nulle. » Écrit sous la dictée des libéraux, ce projet n’eût pas tranché autrement la question.

Il s’offrait aux catholiques un moyen facile de dérouter les calculs des meneurs libéraux : c’était d’adhérer purement et simplement au projet. La coalition tombait dès-lors dans son propre piège. Cette irritante question de l’enseignement, soulevée dans l’unique pensée de mettre en évidence les prétentions outrées des catholiques, n’aboutissait qu’à faire ressortir leur modération, et rien n’épuise et ne déconsidère un parti, une coalition surtout, comme de frapper à vide ; mais les libéraux n’avaient pas trop présumé de la maladroite obstination de leurs adversaires. Accepté par M. d’Hoffschmidt, le projet de M. Van de Weyer fut repoussé par tous les membres catholiques du cabinet, qui, à la suite de quelques scènes assez vives, remit ses démissions au roi.

Ici se présentaient trois solutions contraires, dont chacune répondait à une des nécessités de la situation. Un ministère exclusivement catholique avait dans les chambres une majorité toute faite. Le vœu manifeste des collèges électoraux assurait une majorité plus forte encore à la combinaison opposée ; seulement ce choix impliquait la dissolution des chambres. Un ministère mixte enfin, s’il ne satisfaisait aux droits ni de l’un ni de l’autre parti, avait l’avantage de n’en froisser ouvertement aucun et d’épargner au roi la fâcheuse alternative de jeter un défi au