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tenir à l’aise : c’était justement ce que demandait la prudence pastorale des honorables signataires. Toute la Saxe répondit à cet appel bienveillant, toutes les villes où les Amis protestans, s’étaient réunis envoyèrent de nombreuses adhésions, celle d’Uhlich la première ; ils acceptaient de grand cœur la formule des modérés de l’église évangélique, et ne voulaient y rien changer, si ce n’est peut-être qu’ils eussent mieux aimé dire simplement : « Nous croyons en Jésus le sauveur du monde. » On n’a guère ici parlé de cette manifestation ; elle avait cependant produit plus d’effet à Berlin que l’adresse du magistrat, et soulevé plus de passions en même temps qu’elle prêtait matière à plus d’étonnement. Le docteur Eylert, le premier de tous les prélats dans la hiérarchie évangélique, donnait la main au pasteur Uhlich, l’objet de tant d’anathèmes ; ce n’était la sans doute qu’un compromis, mais pour l’oser, pour le trouver naturel, il fallait que de part et d’autre on fût plus rapproché qu’on ne le croyait peut-être.

M. Hengstenberg ne s’y trompait pas, et maudissant cette invasion du rationalisme, qui s’installait ainsi dans les premiers rangs de l’église officielle, sous air de conciliation, il attaqua violemment la déclaration du 15 août. Déjà M. Stahl avait publié contre ce nouveau tiers-parti qui se montrait ainsi à l’improviste deux lettres éloquentes. — il n’admettait point de constitution ecclésiastique sans la même réserve qu’il exigeait pour une constitution politique, c’est-à-dire qu’il ne voulait, ni dans l’église, ni dans l’état, de peuple constituant : il n’admettait pas davantage un autre symbole que celui d’Augsbourg, et, cherchant à lui donner un signe d’infaillibilité, il s’efforçait en vain de lui attribuer la perpétuité qui lui manque ; adversaire radical du protestantisme qu’il croyait pourtant défendre, il n’acceptait plus l’Écriture qu’à titre d’autorité absolue, il lui fallait une formule qui fût un pape, comme l’en avaient énergiquement accusé l’évêque Eylert et ses co-signataires. — M. Hengstenberg, atteint dans sa personne par la déclaration, releva le gant avec encore plus de vivacité que M. Stahl. Il dénonça « ces mauvais écoliers de Schleiermacher, qui mettaient plus de prix à recueillir dans l’œuvre de leur maître le bois, le foin et la paille, que l’or et les pierreries ; ». Il les combattit pied à pied, et fit mine de démolir par morceaux tout leur édifice. Puis, rempli d’une amertume singulière, portant droit devant lui le coup d’œil d’un ennemi clairvoyant, il leur reprochait de vouloir enlever l’empire des âmes et du monde aux vrais dévots, à l’aide d’une coalition immorale. « Le beau spectacle, disait-il, que prépare cette sagesse astucieuse ! le bel avec lequel elle ménage son triomphe ! Écoutez-la parler et laissez-la faire : elle va pousser à l’extrême du Gazette évangélique, rejetée pour un si grand écart en dehors de toute influence ; à l’extrême gauche, les rationalistes de Wislicenus ! Au centre alors, avec l’excellent Uhlich d’un côté, avec les