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et, à onze heures du soir, 700 hommes s’embarquèrent dans les canots de l’escadre, 180 à bord du cutter le Fox, et un détachement d’environ 80 hommes dans un bateau capturé la veille. Les Espagnols avaient à Santa-Cruz une garnison nombreuse, et, pour les aider dans leur défense, 100 matelots français ; ces matelots appartenaient au brick la Mutine, que les embarcations des frégates le Lively et la Minerve avaient enlevé deux mois auparavant dans le port même de Ténériffe, pendant qu’une grande partie de l’équipage et le commandant lui-même se trouvaient à terre. Le cutter le Fox et le canot de l’amiral, suivis de quelques autres embarcations, étaient déjà arrivés à demi-portée de canon de la tête du môle avant que l’alarme eût été donnée dans la ville ; mais soudain le tocsin se fit entendre de toutes parts, et les batteries ouvrirent leur feu sur le cutter qu’elles venaient de découvrir. Un boulet le frappa au-dessous de la flottaison, et il coula immédiatement. Des 180 hommes qu’il portait, 97 périrent sans qu’on pût leur donner le moindre secours. Nelson, cependant, animant ses canotiers, avait rapidement franchi la distance qui le séparait encore de la jetée, et il portait la main à la poignée de son sabre, prêt à sauter sur le quai, que défendaient quelques soldats espagnols, quand un boulet l’atteignit, au coude et le renversa au fond de son canot. Il fallut le ramener à bord de son vaisseau. Le détachement de soldats et de matelots qui le suivait s’était emparé du môle, mais de la citadelle et des maisons voisines on faisait sur eux un feu terrible qui eut bientôt moissonné presque tous ceux qui avaient mis pied à terre.

Toubridge, qui commandait la seconde colonne d’attaque, n’avait pu, à cause de I’obscurité de la nuit, se diriger sur l’entrée du port, et il faisait de son côté des efforts inutiles pour remonter vers le point de débarquement convenu. Il se résigna enfin à tenter de débarquer au sud de la citadelle. Ceux des canots qui essayèrent d’imiter sa manœuvre furent roulés dans les brisans soit crevés sur les roches, et les munitions qu’ils contenaient se trouvèrent ainsi mises hors de service.

Les capitaines Hood et Miller furent plus heureux : ils trouvèrent un endroit moins exposé à la houle pour mettre leurs troupes à terre, au point du jour, ils rallièrent le capitaine Troubridge, dont le détachement avait pénétré, sans rencontrer d’obstacle, jusqu’au centre de la ville. Ce dernier se trouva ainsi avec 340 hommes en face d’environ 8,000 Espagnols sans moyens de retraite et sans espoir de secours. La générosité du gouverneur de Santa-Cruz lui accorda des conditions plus favorables, qu’il ne pouvait sérieusement l’espérer. Il fut stipulé entre eux que les troupes anglaises seraient renvoyées à bord de leurs vaisseaux, mais que l’amiral s’engagerait à ne tenter aucune nouvelle attaque contre Ténériffe ou les autres îles Canaries. Ainsi se termina cette malheureuse expédition, qui devait avoir son pendant quelques années plus tard