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le patronage des apprentis, l’établissement des caisses d’épargne, de prévoyance et de secours mutuels ; la fondation des salles d’asile, la création des expositions de l’industrie et des arts. Quelques-unes même ont suivi le noble exemple de M. de Monthyon, et l’académie de Cambrai entre autres donne aujourd’hui un prix de vertu de 600 francs, fondé à perpétuité par M. de Compigny pour une personne de la classe ouvrière. Ajoutons encore que les sociétés ne servent pas moins efficacement la cause du progrès par le sujet des mémoires qu’elles mettent au concours ; elles ont abordé dans ces dernières aunées toutes les questions vitales de l’économie politique et sociale, telles que le régime des prisons, la surveillance des libérés, le régime de la charité, légale, les enfans trouvés, le remplacement militaire, la dépopulation de certains pays agricoles au profit des villes, la démoralisation des ouvriers dans les manufactures, l’insuffisance du salaire des femmes, les émigrations en Amérique, le compagnonnage, etc. Nous ne voulons pas dire que ces questions si complexes, si difficiles même pour les esprits les plus élevés, aient toujours reçu des solutions satisfaisantes, loin de là ; mais c’est déjà beaucoup que de les avoir soulevées. Les administrations municipales, les conseils-généraux, les bureaux de bienfaisance, les comités d’instruction élémentaire, les commissions des hospices se recrutent parmi les hommes qui composent la partie active des académies, et les concours ont l’avantage, pour les concurrens comme pour les juges, d’éveiller des idées qu’on trouve tôt ou tard l’occasion de mettre en pratique quand elles ont subi l’épreuve de la discussion. Pour se convaincre que ces luttes ne sont pas stériles, il suffit de comparer ; dans, les mêmes départemens, les programmes des prix avec les vœux émis par les conseils-généraux ; les rapprochemens sont frappans et toujours l’initiative appartient aux sociétés savantes, car, ainsi que le disait l’un des orateurs des congrès scientifiques, « les académies, tout en restant étrangères à la politique, veulent garder le droit de demander ce qu’elles croient utile et juste, et, au besoin, le droit de se plaindre, la province ayant des souffrances qu’elle ne peut guérir sans le concours de l’état, et sur lesquelles, elle est forcée d’appeler l’attention du gouvernement. »


VI.

C’est surtout pour l’amélioration et le progrès de l’agriculture que les associations des départemens ont dépensé dans ces dernières années le plus de soins, le plus d’efforts et même de capitaux. Au milieu du XVIIIe siècle, la France ne possédait encore aucune société agricole, et la première institution de ce genre, fut créée en 1751 : « c’était après la banqueroute de Law ; un revirement s’opéra dans les esprits ; les financiers désappointés se rappelèrent l’aphorisme d’un poète antique : « Cybèle n’est jamais ingrate pour l’époux qui la féconde ; ils se rappelèrent, après leur ruine, la maxime de Sully : « Labourage et pâturage sont les mamelles de l’état, » et de toutes parts on commenta ; en beau langage philanthropique, le fortunatos nimium agricolas. Par malheur, l’agronomie dégénéra le plus souvent en idylle. La constitution même de la propriété territoriale présentait de grands obstacles aux améliorations. Que pouvait-on faire, en effet, en présence de cette possession, pour ainsi dire, impersonnelle, avec les