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sur les trois âges du christianisme, sa jeunesse, sa maturité, et ce qu’il appelle sa décadence. Ce travail doit être la confirmation définitive des principes qu’il professe. C’est là surtout qu’en face du christianisme, il pourra montrer l’hébraïsme comme une protestation vivante, comme le dépositaire d’un principe immortel destiné à régénérer la religion du genre humain. Aux yeux de M. Salvador, l’hébraïsme est le levain de l’avenir, il est comme le germensacré des croyances qui seront tout ensemble antiques et nouvelles. Déjà au XVIe siècle, la religion s’est régénérée en remontant aux sources pures de l’hébraïsme ; un nouveau retour, mais plus complet, plus décisif aux mêmes origines, déterminera d’autres progrès. Avenir glorieux, époque de réparation et de vérité : alors brilleront ces novissimi dies si long-temps attendus.

Voilà les espérances de l’hébraïsme telles que le conçoit M. Salvador. Dans l’ordre civil, il n’y a plus de Juifs parmi nous ; cette qualification a disparu sous le nom de citoyen français. Il y en a encore, on le voit, dans le cercle des croyances religieuses. Ces adversaires persévérans du christianisme ont le droit incontestable de continuer une opposition qui date de loin. Cependant. Dix-huit siècles se sont écoulés sans que le monde ait paru s’émouvoir de cette protestation opiniâtre. Quelle en est la valeur ?

Jamais nation ne fut plus amèrement déçue que le peuple juif. Le sentiment qu’il avait de l’excellence de sa religion et de sa loi, l’interprétation qu’il donnait à certaines promesses de quelques-uns de ses prophètes, lui avaient tellement enflé le cœur, que même, après les malheurs qui avaient succédé aux prospérités de David et de Salomon, il attendait une époque de gloire où il exercerait sur les autres nations une véritable suprématie. Il eut surtout ces espérances, quand il eut repoussé avec succès les entreprises des rois de Syrie contre son culte et sa nationalité. Malheureusement le repos qu’alors il goûta fut court, et bientôt il se trouva face à face avec la puissance romaine. Avec quel étonnement et quelle douleur les Juifs s’aperçurent du joug nouveau qui leur était apporté ! Il y avait là quelque chose de plus impitoyable et de plus dur que tout ce qu’ils avaient pu éprouver du côte de l’Asie. Ils ne se soumirent pas. Forts de l’autorité des prophéties, ils s’entêtèrent à espérer la victoire et l’empire. Avec une confiance moitié sublime, moitié folle, ils attendaient quelque libérateur invincible qui devait abaisser le Capitole devant la cité de David. C’est pour répondre à cette attente, à cette opinion nationale, qu’on vit tant de Christs, tant de Messies se lever dans Israël : tristes libérateurs qui ne retardèrent pas d’un jour le moment marqué pour la ruine de Sion. Ainsi donc, à la place de cette gloire tant rêvée, nous trouvons la captivité, l’exil, la mort, et les orgueilleux descendans d’Abraham sont envoyés à Rome,