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comme une sorte de vengeance exercée contre l’orgueil des Romains. En effet, pendant que les Romains mettaient, leurs empereurs dans le ciel, les Juifs leur envoyaient, en la personne de Jésus de Nazareth, une divinité nouvelle, un homme-dieu sorti d’un des bourgs les plus obscurs de la nation, et marqué dans sa chair de ce baptême de sang, de ce signe religieux et indélébile des Juifs, qui ne devait permettre en aucun temps de déguiser les commencemens de la nouvelle divinité ni d’en renier la véritable origine » La mystique douceur des enseignemens de Jésus, loin de persuader les Juifs qu’enflammait un zèle ardent pour leur patrie et la loi de Moise, les irritait : ces deux points de vue étaient trop contraires pour qu’on pût s’entendre et se réconcilier. Il y a un endroit de son livre où M. Salvador, oubliant le rôle et le langage de l’historien pour prendre le ton de la polémique, institue le dialogue suivant que nous abrégeons : « Vous n’êtes plus rien, disaient les chrétiens aux Juifs ; toute la pensée biblique est consommé en nous : nous sommes restés sans partage les héritiers de votre loi ; c’est nous que désormais le monde accepte. » À ces protestations, l’opposition juive répondait : « Vous avez le présent, nous avons pour nous l’avenir ; vous n’êtes ni le christianisme ni le catholicisme final. Les nations combattront un jour votre église et réussiront à la vaincre ; le monde appellera de ses vœux une Jérusalem nouvelle. » L’hébraïsme, nous résumons toujours les idées de M. Salvador, a dû rester immobile et pur, afin qu’on ne pût jamais lui reprocher d’avoir adoré des divinités à formes visibles, à figures d’homme et de femme. Il fallait aussi que les Juifs, en résistant à Rome, répandissent tout leur sang. Les chrétiens avaient un autre rôle, la divinité qu’ils attribuaient au Christ les rapprochait des croyances de la vieille Rome, qui reposaient sur l’existence des divinités visibles, et leur indifférence pour le principe de nationalité leur épargnait une lutte avec l’autorité des Césars. Les chrétiens comprirent que, lorsqu’ils auraient détruit l’antique religion romaine, la terre leur appartiendrait comme une dépendance inséparable du ciel, et qu’ils seraient les maîtres de l’empire dès que l’empire aurait désavoué ses dieux. Voilà comment s’explique le triomphe du christianisme ; maintenant selon M. Salvador, qui exprime à la fin de son histoire les espérances de ses coreligionnaires, il y aura dans l’avenir une ère nouvelle de véritable justice. Le premier temple de Jérusalem a été ruiné par des hommes de l’Orient, le second par les Occidentaux ; il y aura un troisième temple, un nouvel autel d’alliance autour duquel tous les peuples se presseront. C’est ainsi que, rappelant en ce point certains livres orientaux, l’histoire de M. Salvador se termine par une prophétie.

Nous savons que M. Salvador ne considérera comme accomplie la mission qu’il s’est donnée qu’après avoir composé un dernier ouvrage