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la livrer aux autres vive et lucide. Aussi son analyse de tous les élémens du christianisme n’est ni assez claire ni assez complète. On peut même y saisir l’auteur en contradiction avec lui-même. Tantôt il affirme que Jésus a renfermé la révolution morale dont il était l’interprète dans le cercle des idées hébraïques, tantôt il nous le montre dominé par le génie oriental. En résumé, dans cette circonstance, M. Salvador a plutôt rassemblé des matériaux et des notes qu’il n’a réellement fait un livre.

Nous pouvons louer un progrès sensible dans le nouvel ouvrage que publie aujourd’hui M. Salvador sous le titre d’Histoire de la domination romaine en Judée et de la ruine de Jérusalem. Les faits et les événemens politiques que contient cette époque des annales juives l’ont mieux inspiré. Le sujet est habilement choisi : il y a bien là la matière d’un livre. Rome, dans les dernières extensions de sa puissance, rencontrant enfin le peuple de Moise, lui imposant son joug, et punissant sa résistance par l’impitoyable destruction de Jérusalem, offre un thème historique dont M. Salvador a le mérite d’avoir compris tout le pathétique intérêt. Il a su bien distribuer les différentes parties de cette histoire. Après avoir raconté les premières invasions des Romains en Judée, il fait dans le passé une excursion qui lui permet de rappeler les principales vicissitudes de Jérusalem depuis son origine. Les divisions des princes asmonéens, le règne d’Hérode, dont la politique et le caractère, sont judicieusement appréciés, les luttes intestines de ses fils, les révoltes qui amenèrent l’adjonction de la Judée au gouvernement de Syrie, et l’administration des procurateurs romains à Jérusalem, tous ces événemens qui remplissent la première partie de l’ouvrage préparent et déterminent l’insurrection générale qui en est véritablement le nœud. La guerre sainte est proclamée à Jérusalem ; elle durera six ans. Désormais les faits les plus dramatiques s’offrent à l’historien. Vespasien commence l’exécution du plan qui doit livrer aux Romains Jérusalem., en isolant cette capitale par l’invasion successive des provinces, et en poussant dans ses murs une population qui apporte avec elle la famine et l’anarchie. Titus se prend d’amour à Ptolémaïs pour une Juive, pour la fille d’Hérode Agrippa, pour la belle Bérénice. A Jérusalem, la discorde règne, comme chez tous les peuples près de périr. Le parti politique et les zélateurs en viennent aux mains : le parti politique est vaincu, le grand-conseil est dissous ; il y a des massacres dans les prisons et la terreur gouverne. Cependant Titus amène devant Jérusalem une armée de quatre-vingt mille hommes ; il établit un siége qui durera cinq mois, pendant lesquels la vaillance romaine et le désespoir d’une nationalité expirante s’épuiseront en prodiges. L’historien a fait de Jérusalem une description et dressé un plan qui permettent au lecteur d’apprécier la résistance sans cesse renaissante des assiégés. Les Romains furent découragés un moment. Il fallut, pour ainsi parler,