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et sur celles de l’Euphrate, sont la voix du Seigneur. On commence à comprendre comment ce peuple, d’abord si léger, si inconstant, qui abandonna si souvent Jéhovah pour d’autres divinités, finit par devenir persévérant et opiniâtre. L’idée d’un seul Dieu, la sainteté de sa loi, l’éternité de son alliance, n’avaient pénétré dans l’esprit des Juifs que lentement ; mais, une fois admises, elles n’en sortirent plus, elles y régnèrent avec une puissance qui s’étendait aux plus minutieux détails du culte et de la vie. Aussi les Grecs et les Romains reprochaient surtout aux Juifs une superstition intraitable et odieuse.

Cette nation détestée n’était connue au dehors que par son insociable orgueil et des rumeurs calomnieuses. On ignora long-temps les grandes idées, les vérités universelles que renfermait la loi et qui étaient comme dérobés à la vue du genre humain par des mœurs et une langue qu’on ne comprenait ni à Rome, ni dans Athènes. Comment soupçonner que le Juif, qui avait pour l’étranger un front si dur, professait chez lui des principes d’où découlaient l’égalité, la fraternité des hommes ? On n’apprit aussi que fort tard que ce peuple, d’une humeur si positive et si âpre, non-seulement avait le génie d’un poète, mais qu’il avait attribué à la poésie un rôle, un pouvoir inconnus ailleurs. En effet, la poésie, chez les Hébreux, s’incorporait avec le culte ; elle créait les sentimens et les images par lesquels on s’élevait à la conception de Jéhovah, et il lui fut donné de se perpétuer à travers les âges comme une hymne éternelle ;

L’histoire des Juifs n’est pas moins remarquable que leur caractère. Que de contrastes ! que de scènes charmantes et majestueuses ! que de catastrophes ! Les destinées des Hébreux s’ouvrirent par la vie nomade les patriarches étaient surtout de riches pasteurs, séjournant sous la tente, cherchant pour leurs troupeaux les meilleurs pâturages et les sources d’eau les plus vives. Quand Moïse eut tiré les Hébreux d’Égypte, l’aspect de ce peuple changea. Une fois établi dans la Palestine, dont une partie surtout, la Galilée, était d’une fécondité heureuse, il se plia aux mœurs sédentaires de l’agriculture, il commença de s’élever à cette unité religieuse et politique qui devait le marquer d’un signe particulier parmi les nations. De nombreux obstacles entravèrent ce travail il fallut combattre des voisins belliqueux et redoutables les Philistins, les Arabes nomades. Les Hébreux étaient eux-mêmes partagés en tribus dont chacune était gouvernée par ses anciens et ses chefs : néanmoins telle fut la puissance de la loi promulguée par Moise, que cette espèce de république fédérative gravita de jour en jour vers l’unité qui fut représentée par un gouvernement monarchique. Après les juges, les Juifs eurent des rois, et ils furent alors un peuple puissant dont la renommée se répandit au dehors. Non-seulement David fut un réformateur politique et un poète immortel, mais aussi un conquérant