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qu’un mot : l’amiral Duperré qui a enrichi l’île de France de ses prises, qui a commandé deux armées navales, qui a administré pendant cinq ans le département de la marine, est mort sans fortune.

Les derniers mois de cette année sont marqués d’une manière fâcheuse par une sorte de malaise qui se fait sentir également dans le monde financier et dans les classes laborieuses. Celles-ci sont atteintes directement par la cherté du pain et par toutes les inquiétudes que provoque la question des subsistances. Quant au monde financier, c’est le jeu à la baisse qui, en prenant des proportions désastreuses, porte la perturbation dans beaucoup de fortunes. Les actions du chemin de fer du Nord, qui étaient le mois dernier encore à 740 francs, sont tombées jusqu’à 635. Faut-il attribuer, comme le voudrait sans doute la malveillance, une baisse aussi considérable à quelques-uns des administrateurs des deux grandes lignes de Lyon et du Nord ? Pour nous, nous refusons de croire que cette baisse excessive puisse être l’ouvrage des personnes mêmes qui, par leur position, connaissent exactement tous les résultats qu’il est permis d’espérer d’une pareille ligne. En effet, le chemin du Nord a donné 30, 35, 40,000 francs par jour, et la semaine dernière, au milieu de la mauvaise saison, la recette quotidienne s’est élevée à 33,000 francs. Lorsque la ligne totale sera en parcours, lorsque surtout le service des marchandises sera organisé, les produits dépasseront 80 et 90,000 francs par jour. Voilà, des faits qui parlent assez haut. Quoi qu’il en soit, dans une situation pareille, M. le ministre des finances devrait peut-être user de ses pouvoirs en reculant les termes auxquels, les compagnies doivent rembourser l’état : cette mesure serait le meilleur remède à la crise actuelle, puisqu’elle aurait pour résultat d’éloigner l’appel de fonds que les compagnies de Lyon et du Nord, font en vue des paiemens à l’état, et qui a été une des causes de la baisse. Elle rassurerait les petits porteurs de titres, en leur permettant de les garder, et de traverser une époque toujours critique, celle de la fin de l’année. Un délai de six mois accordé aux compagnies serait plus que suffisant pour donner aux détenteurs d’actions, cette fois bien avertis, le temps de préparer leurs versemens, et d’ici là le service du Nord, définitivement organisé, donnerait tous ses produits ; la mauvaise volonté des spéculateurs à la baisse serait forcée de s’arrêter devant des chiffres qui dépasseront probablement les prévisions, comme l’événement l’a prouvé sur toutes les autres bonnes lignes de chemins de fer.




Nous avons fort à faire pour suivre le mouvement si complexe qui précipite et multiplie de toutes parts les questions extérieures ; nous ne pouvons les raconter en détail et au jour le jour, nous voudrions du moins en résumer l’ensemble et en saisir l’esprit. Il faut absolument pour remplir une pareille tâche, et l’étude assidue de la presse étrangère, et ces hautes communications qui nous ont permis si souvent de mieux juger, de mieux comprendre les débats, les incidens variés de la politique actuelle. Il est enfin une littérature politique, livres, brochures ou pamphlets, qui, dans tous pays, se développe parallèlement à la littérature courante des feuilles quotidiennes : moins connue du dehors, elle révèle cependant parfois plus au vrai la pensée publique ; nous croyons qu’il y a beaucoup