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jusqu’à la libre élection d’un roi choisi par les représentans de la nation. »

On repoussa ces conditions inadmissibles, et Horjah, attaqué par de nouvelles armées, se rejeta sur la Trausylvanie. Il portait alors le nom de capitaine et haut administrateur du corntat d’Huniade, duc de Chrysialis et roi de Davie ; mais sa fortune l’abandonna bientôt, et la trahison le livra aux mains des Autrichiens. La figure de ce démocrate hongrois, qui sort tout à coup de l’ombre, lutte pendant quelques instans avec l’empereur d’Allemagne, et, après avoir rêvé un trône, s’en va mourir sur la roue à l’angle d’un chemin, n’est pas indigne de l’histoire, car elle personnifie tout un peuple. Le génie magyare s’était incarné dans Horjah avec son indomptable énergie, sa fière indépendance et ses vastes mais confuses espérances. Cette nationalité hongroise est si vivace, qu’elle a résisté à tous les efforts de la politique autrichienne ; elle se réveille aujourd’hui, plus puissante, plus jeune que jamais, et prépare au successeur de M. de Metternich de sérieux embarras.

Joseph II, je l’ai déjà dit, avait laissé entrevoir à la noblesse hongroise une guerre prochaine avec la Turquie ; obligé de renoncer pour jamais à la Bavière, il voulait réparer cet échec de sa politique par la conquête des provinces danubiennes, et, en mai 1787, il conclut avec l’impératrice de Russie une alliance offensive pour la conquête et le démembrement de la Turquie d’Europe, pendant ce merveilleux voyage de Kherson que M. de Ségur a décrit avec tant de charme. Ainsi, derrière les fêtes splendides, les féeriques créations de Potemkin, qui improvisait des flottes, des villes et des populations de parade sur le passage de sa souveraine, se cachaient de grands desseins, de formidables préparatifs. Les cabinets de l’Europe n’eurent que de vagues soupçons de cette alliance qui devait changer les conditions de l’équilibre du monde, et ils ne virent qu’une jactance tartare dans l’inscription gravée sur la porte de Kherson : C’est ici le chemin de Constantinople. L’ouverture de la campagne fut fixée à l’année suivante ; chacune des deux puissances promit de mettre en ligne deux cent mille soldats. Joseph partit en toute hâte pour organiser son armée ; une autre cause rendait d’ailleurs sa présence à Vienne indispensable, les Pays-Bas étaient en feu. Les communes de Flandre, soulevées, pour la défense des privilèges de la joyeuse entrée, avaient trouvé leur Artevelde dans l’avocat Van-der-Noth. Le cardinal de Frankenberg, archevêque de Malines, et le duc d’Aremberg assurèrent à la révolte, qui devenait une révolution, l’appui du clergé et de la noblesse. Après de longues hésitations et de brusques contre-ordres, l’empereur se résolut à faire les plus larges concessions ; mais l’heure des transactions était passée, le flot des idées débordées devait suivre son cours et prendre son niveau. Joseph reçut cette réponse solennelle des révolutions accomplies : Il est trop tard ! Les états, assemblés à Bruxelles, établirent un congrès souverain et constituèrent la république des États-Unis Belgiques, dont l’archevêque de Malines devint le président, Van-der-Noth le premier ministre, et Van-der-Meersh le généralissime. Les cabinets européens virent avec une satisfaction secrète le mouvement dont je viens d’indiquer les résultats en anticipant de quelques années sur les événemens. Les rois, qui redoutaient la puissance de Joseph et détestaient ses réformes, acceptèrent la révolution comme un double échec pour son autorité envahissante et pour ses plans subversifs. Seul, le pape