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plausible ou non, de réclamer aucun droit sur le Scindh, les agens de l’Angleterre avaient eu le temps de compromettre les amirs vis-à-vis de la puissance britannique, et si bien, qu’on les avait réduits à ne plus exercer qu’une ombre d’autorité sous le contrôle menaçant des Anglais.

Nous devons clore par ce simple récit tout ce qui nous restait à dire, généralement parlant, de la province récemment conquise où nous avons voulu suivre un humble soldat de cette armée anglaise qui dresse ses drapeaux sur tous les points du globe ; armée à part, recrutée par la misère, disciplinée par le fouet, et qui pourtant, en mille occasions, a fait preuve d’un dévouement, d’une énergie, auxquels un étranger même ne peut refuser son hommage. C’est à elle que nous reviendrons en terminant pour enregistrer encore quelques notes curieuses, dont les hommes appelés à méditer sur l’organisation militaire de la Grande-Bretagne pourront faire leur profit.

L’auteur raconte avec une certaine indignation l’injure faite en sa présence, à un de ses compagnons d’armes, par un officier brutal : «Vous ne vous êtes fait soldat, s’écriait ce dernier, que pour vous remplir le ventre ! » Mais, après tout, dans ce propos insultant, veut-on savoir ce qu’il y avait d’exagéré ? Consultez alors le tableau, dressé par un colonel anglais, des motifs qui provoquent, chez nos voisins, l’enrôlement volontaire. Ce document suppose une compagnie ordinaire de 120 hommes ; sur ce nombre, 80 au moins, nous est-il dit, sont des ouvriers ou des laboureurs sans emploi, et qui n’ont pas d’autre ressource. Le surplus se divise en huit catégories :

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1° Jeunes gens bien nés, imprudens ou malheureux. 2 sur 120.
2° Paresseux, à qui fait envie l’apparente oisiveté du soldat. 16
3° Caractères indomptables, repoussés de partout. 8
4° Criminels, qui cherchent à se dérober au châtiment. 1
5° Enfans pervertis, voulant affliger leurs familles. 2
6° Esprits turbulens et sans repos. 8
7° Ambitieux. 1
8° Causes inappréciables. 2

N’est-ce pas là une statistique effrayante, et qui donne amplement raison à l’insolent capitaine dont nous venons de citer la dure apostrophe ?

Trois races distinctes, trois nations jadis séparées, et dont l’amalgame ne sera pas de long-temps une œuvre parfaite, composent l’armée des trois royaumes. La différence morale entre les soldats écossais, anglais et irlandais n’échappe point à l’auteur, qui la constate quelque part en ces termes, à propos de l’assassinat d’un sergent par un des privâtes :

«C’est un fait singulier que presque tous les meurtres commis dans l’armée anglaise le soient par des Irlandais, Le 13e depuis bien des