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commerciale et militaire en vue de laquelle on a tenté la conquête du Scindh. Rendre aux amirs Hyderabad et tout le Scindh supérieur serait donc, au dire de bien des gens, en même temps qu’un grand acte de justice, une mesure de sage politique. On s’épargnerait la nécessité d’entretenir des forces considérables, un grand établissement militaire, dans une province dont les revenus suffisent à peine pour rétribuer les services civils, et de plus, — cette considération n’est pas à dédaigner, — on diminuerait sensiblement l’impôt de mort que l’armée anglo-indienne paie chaque année au terrible climat de ces incultes régions.

Nous invoquions tout à l’heure la justice due aux anciens amirs du Scindh. Un court résumé de la question qui les concerne suffira pour établir l’iniquité des transactions par lesquelles ils ont été dépossédés de leur souveraineté ; il montrera combien les Anglais restent encore fidèles à la politique cauteleuse et violente des Hasting et des Clive.

En 1832, un traité fut passé avec ces princes pour la libre navigation de l’Indus, dont on attendait des résultats commerciaux bien supérieurs à ce qui s’est manifesté depuis lors. Pendant six années, ce traité, fidèlement exécuté par les souverains talpouris, fut la base des relations établies avec eux. En 1838, quand il fut question de replacer Shah-Soudjah sur le trône de l’Afghanistan, on prit prétexte de ce que le Scindh avait dépendu naguère du royaume afghan, pour sommer les amirs de contribuer à la restitution projetée, et provisoirement on réclama d’eux la cession temporaire aux Anglais du fort de Bukkur. Puis on songea aux moyens de les rendre effectivement tributaires de la Grande-Bretagne. Or, comme, depuis la mort de Timour-Shah, aucun tribut régulier n’avait pu être obtenu des princes scindhis, on pressentit qu’ils invoqueraient une prescription depuis long-temps acquise pour se dispenser d’acquitter cette dette imaginaire. Aussi se garda-t-on bien d’élever aucune prétention à cet égard avant d’avoir débarqué chez eux, — sans qu’ils songeassent à s’y opposer, — toute une division de l’armée que l’Angleterre avait échelonnée au bord de l’Indus. Cette combinaison déloyale eut un plein succès. Les amirs, — souverains ineptes qui, croyant à la possibilité d’enfermer dans une malle ordinaire tout un régiment de soldats européens, regardaient avec un respect mêlé de terreur ces boîtes mystérieuses, rivales du cheval de Troie, — les amirs, disons-nous, ne se doutèrent de rien ; ils laissèrent tranquillement débarquer les troupes britanniques ; ils les virent, sans la moindre inquiétude, se diriger vers Hyderabad. Alors seulement les Anglais jetèrent le masque, et réclamèrent le tribut, qu’il était trop tard pour leur refuser, mais dont une portion seulement put être accordée à leurs exactions violentes. Ils obtinrent, comme gage du surplus, la cession temporaire de Bukkur, qu’ils n’ont jamais voulu restituer depuis lors. Plus tard, et quand l’abandon de l’Afghanistan semblait leur ôter tout motif, toute raison,