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greniers égyptiens, où l’on jetait le grain par en haut, tels que les représentent les peintures des tombes, et tels qu’on les voit encore au bord du Nil. On croyait les pyramides creuses, et, dans cette supposition, elles eussent pu en effet recevoir une quantité énorme de blé ; mais massives et pleines comme elles sont, elles ne pourraient en contenir assez pour nourrir long-temps, quelques villages.

Les Arabes, grands amis des contes et des fables en tout genre, ont donné carrière à leur imagination sur le chapitre des pyramides, qu’ils font bâtir avant la naissance d’Adam. Chose singulière ! quelques traces de la vérité historique semblent s’être conservées dans ces traditions fabuleuses. Elles ont gardé une notion juste de la destination des pyramides, dans lesquelles la plupart de ces traditions s’accordent à reconnaître des tombeaux, plus vraies sur ce point que beaucoup de théories modernes. Le souvenir de caractères hiéroglyphiques gravés sur les parois des pyramides demeurait dans les légendes arabes, alors que la science ne s’était pas encore expliqué la disparition de ces caractères par celle du revêtement sur lequel ils étaient autrefois tracés. La vieille malédiction des peuples sur les rois qui bâtirent les pyramides subsiste encore dans la légende arabe, où Pharaon est synonyme de tyran. C’est une grande justice que le gigantesque égoïsme de ces princes par qui ont été élevés les plus grands monumens du monde ait attiré sur leur nom la réprobation des siècles.

Ce qui a surtout inspiré les récits des conteurs arabes, qu’ont trop souvent recueillis les historiens de cette nation, c’est l’idée de la solidité des pyramides et des richesses qu’elles renfermaient dans leur sein. De là l’histoire souvent répétée du sultan qui voulut, comme l’a tenté de nos jours Méhémet-Ali, détruire une pyramide, mais reconnut bientôt que toutes les richesses de son royaume ne pourraient suffire à accomplir cette destruction. De là encore le récit suivant qui est donné par Massoudi comme une tradition copte. Cent ans avant le déluge, le roi Surid eut un rêve terrible. Le globe était bouleversé, le ciel ténébreux. Il vit les étoiles fondre sur la terre sous la forme d’oiseaux blancs qui enlevaient les mortels éperdus. Les astrologues annoncèrent le déluge ; alors le roi Surid ordonna d’élever les pyramides, il y fit déposer ses trésors, les corps de ses ancêtres, et des livres où étaient contenues toutes les sciences. Le déluge passa sur les pyramides, qui ne sourcillèrent pas. La coutume qui se retrouve chez plusieurs peuples anciens de placer les trésors dans les tombeaux et l’usage d’ensevelir les objets précieux avec les cadavres donnèrent de tout temps l’idée que les pyramides, ces tombeaux des puissans Pharaons, devaient contenir d’immenses richesses. Il en est résulté des récits dignes des Mille et une Nuits. En voici un qui m’a paru curieux : Le calife Al-Mamoun, ayant pénétré jusqu’à un certain point dans l’intérieur de la grande pyramide, y trouva