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LE PARRAIN.

Comme je vous l’ai dit, je vous promets la liberté et l’inviolabilité de vos personnes.

LE COMTE, s’approchant du parrain et le prenant par la poitrine.

Misérable ! va-t’en cacher tes cheveux gris sous les tentes des néophytes et des cordonniers, si tu veux que je ne t’ensanglante de ton propre sang. (Jacob entre suivi de l’escouade.) En joue ce front ridé par la sottise, ce bonnet de liberté tremblant devant ma parole indignée ! En joue, vous dis-je, cette tête sans cervelle ! (Le parrain se sauve.)

TOUS, ensemble.

Il faut le lier et l’envoyer à Pancrace.

LE COMTE.

Vous n’y êtes pas encore ; un instant, messieurs. (Se promenant parmi les soldats.) Il me semble qu’avec toi j’ai gravi les montagnes, poursuivant les bêtes féroces. Souviens-toi que je t’ai empêché de tomber dans le précipice. (Aux autres.) Avec vous autres, j’ai erré sur les rochers du Danube ; Jérôme, Christophe, vous étiez avec moi sur les bords de la mer Noire. (Aux autres.) J’ai rebâti vos chaumières incendiées. (Aux autres.) De chez un mauvais seigneur vous vous êtes enfuis, et je vous ai reçus chez moi. Maintenant, dites-moi, me suivrez-vous ou me laisserez-vous tout seul, isolé, et souriant avec mépris de ce qu’au milieu de tant de gens je n’ai pas rencontré un seul homme ?

TOUS.

Vive, vive le comte Henri !

LE COMTE.

Que tout ce qui reste de viande et d’eau-de-vie soit distribué, et, après, sur les remparts !

LES SOLDATS.

Oui, de la viande, de l’eau-de-vie, et, après, sur les remparts !

LE COMTE, à Jacob..

Accompagne-les, et que dans une heure tout soit prêt pour le combat.

JACOB.

Que la volonté de Dieu soit faite !

VOIX DE FEMMES.

À cause de nos enfans, sois damné !

D’AUTRES VOIX.

À cause de nos pères, sois damné !

D’AUTRES VOIX.

À cause de nos femmes, sois damné !

LE COMTE.

Et moi, je vous maudis, car vous êtes des lâches !