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et résolu. En dépit des réclamations incessantes du gouvernement génois et des hésitations de l’amiral Hotham, il n’avait pas craint, avant l’arrivée de sir John Jervis, de s’engager envers le général de Vins, placé en face de Schérer, sur les hauteurs des Alpes maritimes à ne point laisser pénétrer jusqu’aux troupes de son adversaire un seul bateau chargé de blé, un seul convoi de munitions de guerre. La bataille de Loano, dans laquelle les Autrichiens perdirent leurs positions et qui faillit entraîner la destruction de leur armée, avait, pour quelque temps, interrompu cette coopération. Nelson la reprenait au moment où la cour de Vienne envoyait, pour réparer l’échec essuyé par de Vins, celui que le jeune commodore anglais nommait alors le fameux général Beaulieu.

Rien n’a plus contribué à donner à la physionomie de Nelson une expression grimaçante et vulgaire que cette haine brutale qu’il a si souvent manifestée contre les Français ; mais ce n’est guère qu’après les événemens de Naples, après qu’il eut subi la funeste influence de sir William et de lady Hamilton, que l’on vit apparaître sous sa plume ces odieuses invectives dont la grossièreté sied mal à cette lutte héroïque dans laquelle il devait trouver une fin si glorieuse. Avant cette époque, malgré son aversion bien prononcée pour cette nation frivole et volage, comme il nous désigne dans une de ses lettres, malgré cette horreur profonde de toute rébellion qu’il devait aux leçons de son père, la haine n’aveuglait point tellement le fils du pasteur de Burnharm Thorpe, qu’il ne put rendre justice aux vertus militaires de ces soldats de la république qui, demi-nus, se montraient, disait-il, résolus à vaincre ou mourir. « Qui eût cru (écrivait-il après la victoire de Schérer) que cette armée, composée de jeunes gens de vingt-trois ou vingt-quatre ans, qui comptait même dans ses rangs des enfans en ayant à peine quatorze, que cette armée déguenillée eût pu battre ces belles troupes autrichiennes ? A voir ces soldats, on eût pensé que cent d’entre eux valaient pas seulement l’équipage de mon canot, et cependant les plus vieux officiers conviennent qu’ils n’ont jamais entendu parler d’une défaite plus complète que celle que viennent d’essuyer les Autrichiens. Le roi de Sardaigne, frappé d’une terreur panique, a failli demander la paix dans ce premier moment d’effroi. »

Malheureusement Schérer ne sut pas poursuivre ses avantages ; mais la glorieuse campagne de 1796 était à la veille de s’ouvrir par les combats de Montenotte et de Mondovi, et nos armées, cette fois, ne devaient s’arrêter que sur le chemin de Vienne. Les généraux autrichiens, qui remplaçaient de Vins et son état-major se souciaient peu d’avoir à opérer de nouveau sur le littoral étroit de la Rivière de Gênes contre une infanterie qui venait de donner de telles preuves de sa supériorité. Ils commençaient à s’apercevoir que la coopération de la flotte anglaise