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par ses amis du palais des Necessidades, qui jouent sans pudeur la couronne de leur reine pour le plus grand profit de leurs ambitions personnelles.

Il n’y a peut-être pas, dans l’histoire des cours et des cabinets, d’intrigues plus compliquées et plus mêlées de rivalités personnelles que ces intrigues souterraines qui viennent enfin de renverser le ministère de M. de Palmella, après l’avoir miné dès le premier jour de son existence. M. de Palmella pouvait dicter la loi au moment de la fuite des Cabral ; mais il a craint de se jeter dans les bras de la révolution, d’armer les gardes nationales, de regarder en face les difficultés ; il s’est perdu en essayant d’organiser un tiers-parti qu’à trois reprises M. de Bomfin avait déjà voulu fonder, lorsque, victorieux des chartistes par l’établissement du pacte de septembre, il tâchait de les rallier, sans détriment pour la cause libérale. Servi par l’activité sans scrupule de M. Gonzalès Bravo, l’ambassadeur d’Espagne, M. Costa da Cabral a recouvré l’énergie qui lui avait un instant manqué. La cour de Lisbonne, forte de l’appui de Madrid, s’est habilement appliquée à neutraliser l’émotion populaire ; les anciens agens des Cabral ont, petit à petit, repris la place des fonctionnaires sortis de la révolution ; on eût dit bientôt qu’il n’y avait rien eu de fait ou que tout était à refaire. À peine encore comprimée, l’insurrection miguéliste était issue presque entièrement de ces secrètes machinations, et, si le cabinet déchu avait tardé si long-temps à s’en rendre maître, c’est que les chefs de l’ancien cabinet gardaient dans Lisbonne les moyens de la perpétuer. M. Costa da Cabral avait résolu d’exploiter le nom de dom Miguel pour créer un embarras de plus à des successeurs qu’il refusait d’accepter comme légitimes ; les miguélistes étaient depuis long-temps délaissés en Portugal, et leur importance semblait perdue ; mais on ne peut jamais assigner au juste la dernière heure d’un parti. Lorsqu’ils ont vu qu’on leur croyait encore un prestige, les miguélistes ont voulu naturellement l’utiliser à leur profit, et ils ont pris pied plus que les meneurs eux-mêmes ne l’avaient pensé.

Les mauvais vouloirs de la banque et des financiers, trop justifiés par la détresse générale, par un manque réel de numéraire, mais non moins activement exploités, ont été plus funestes encore que les émeutes au ministère de M. de Palmella. Il a fallu réduire les traitemens de l’état, déjà si minimes, et les intérêts de la dette publique, déjà si aventurés ; cette réduction de 20 pour 100 est allée frapper jusqu’aux créanciers étrangers ; enfin, pour tout dire, le dernier emprunt que ce malheureux cabinet ait pu réaliser n’atteignait pas 75,000 francs. L’impuissance à laquelle on avait si industrieusement travaillé une fois avérée, ç’a été l’affaire d’une nuit de tout renverser, le ministère et la constitution. Quelles seront les suites d’une violence aussi peu déguisée ? Au milieu des nouvelles contradictoires qui nous sont parvenues, on ne sait à qui reviendra le succès, au coup d’état ou à la résistance. Il est pourtant une situation peut-être encore plus difficile et plus embarrassée que celle de la cour de Lisbonne c’est l’attitude de la diplomatie anglaise vis-à-vis de ces nouveaux événemens. L’Angleterre n’avait jamais caché son hostilité pour le gouvernement de M. da Cabral, celui-ci ayant eu du moins le mérite de ne pas lui laisser reprendre le pied qu’elle avait perdu depuis l’expiration du traité de Methuen. Elle avait énergiquement dénoncé la sourde opposition qui se tramait au fond même du palais contre le cabinet de M. de Palmella et en faveur des ministres exilés. Les correspondans