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est loin d’avoir déposé les armes, et, tandis que l’attention se porte tout entière sur les débats excités par l’enseignement secondaire, on perd complètement de vue ce qui se passe dans les écoles publiques ou privées des quarante mille communes qui composent la France. On ignore par quel manège est éludée, dans certains établissemens, la surveillance des inspecteurs et des comités, quels livres la contrebande légitimiste ou néo-catholique fait passer entre les mains des enfans, et les déclamations contre la philosophie ne sont souvent qu’une fausse attaque qui sert à masquer des manœuvres plus sérieuses.

La sphère des travaux de la Société de la morale chrétienne est beaucoup plus étendue. Cette association, constituée en 1821 par le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, a pour objet l’application des préceptes du christianisme aux relations sociales, et, ainsi que le disent les statuts, elle s’attache à démontrer que « la plupart des erreurs et des vices qui retardent le règne de la vérité, de la justice et de la paix parmi les hommes, naissent de l’ignorance ou de l’oubli des préceptes de la religion chrétienne. » Par sa constitution même, cette société témoigne d’un grand progrès dans les idées et dans les mœurs, car elle admet indistinctement au nombre de ses titulaires les catholiques et les protestans ; plus sage que certaines associations de bienfaisance, elle étend son action à tous les membres de la grande famille chrétienne, sans se préoccuper des dissidences de sectes, et, en s’interdisant le prosélytisme, elle rend la charité plus féconde et plus universelle. Les membres, au nombre de deux cent soixante-quinze, sont répartis entre sept comités dont voici l’indication : 1° comité de charité et de bienfaisance ; 2° de placement des orphelins et des orphelines ; 3° des prisons ; 4° de la paix ; 5° d’amélioration morale ; 6° de l’abolition de la traite et de l’esclavage ; 7° de réhabilitation morale pour les libérés. Les travaux de ces divers comités sont consignés dans un journal dont la collection forme aujourd’hui quarante volumes. Des concours ont été ouverts, des livres ont été publiés sur les grandes questions sociales ou religieuses soulevées depuis vingt-cinq ans, et des lois sont venues sanctionner les efforts et les vœux de la société touchant la plupart de ces questions. Cette louable institution a des correspondances sur tous les points du globe, et tout récemment des musulmans philanthropes ont fondé, sous le patronage de la sultane Djediz et sous le titre de Société de la morale universelle, une association semblable.


VII.

Dans la revue rapide que nous venons de présenter, nous n’avons compris que les académies qui figurent dans l’Annuaire administratif et qui fonctionnent comme annexes des diverses branches de l’Institut. Paris renferme encore un grand nombre de sociétés inconnues les unes aux autres, souvent ignorées du public, et qui résument chacune dans sa sphère les idées, les intérêts, les plaisirs des classes les plus diverses, les plus éloignées. Sculpteurs, architectes, peintres, musiciens, ouvriers de tous les états, femmes de tous les âges, avocats à la recherche du client, journalistes à la recherche de l’abonné, jeunes hommes politiques attendant l’âge et le cens pour aspirer à la députation, francs-maçons de tous les pays, écrivains de toutes les écoles, chacun s’associe, les uns pour faire un peu de bien, les autres pour ne faire que du bruit, les oisifs, qui sont souvent