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à 1845, la somme totale des prix décernés s’élève à 392,850 francs, et le chiffre de ceux qui seront décernés de 1846 à 1850, à 110, 700. Cette simple indication suffirait seule à montrer le développement vraiment prodigieux des arts industriels et des applications scientifiques, la somme des encouragemens distribués dans cette seule spécialité dépassant de beaucoup le total des prix alloués par toutes les autres associations réunies. Ici, c’est le perfectionnement matériel que l’on poursuit avant tout ; ailleurs, c’est en quelque sorte le progrès économique. La ligue anglaise a eu son écho chez nous, et les associations pour la liberté des échanges qui viennent de se former à Paris et à Bordeaux, et qui, sans aucun doute, s’étendront sur les autres points du royaume, nous paraissent appelées à jouer dans l’avenir un rôle important.

Ce n’est pas tout, cependant, que de procurer aux hommes le bien-être matériel, d’assurer à bon compte à ceux qui sont riches toutes les jouissances du luxe, et il ne suffit pas de favoriser le développement de l’industrie pour défendre le pauvre contre la misère, et surtout contre le vice. Dans la question tant de fois controversée de la répartition des richesses, dans cette autre question non moins complexe, l’organisation du travail, à laquelle il est impossible, quoi qu’on en ait dit, de trouver à priori une solution théorique, quand les économistes auront accompli leur œuvre, il restera la part du moraliste, et certes améliorer l’homme est un problème plus difficile encore que de le faire vivre. De louables efforts ont été tentés ; mais, en semblable matière, il est fort difficile de constater les résultats d’une façon positive, le progrès dans le bien échappant à toute recherche, tandis que les faits répréhensibles, ceux qui tombent sous le coup de la justice humaine, se groupent dans la statistique en chiffres effrayans. — La Société d’instruction élémentaire et la Société de la morale chrétienne méritent, à tous égards, les vives sympathies des hommes qui, sans faire de la philanthropie une profession lucrative, se préoccupent des misères morales et en cherchent les remèdes. Partant de ce principe que l’ignorance est l’une des causes les plus actives de démoralisation, la société pour l’instruction élémentaire travaille, depuis sa fondation, en 1821, à propager l’enseignement, et surtout à le rendre facile et rapide, afin qu’il soit accessible aux enfans des classes pauvres, que les ateliers enlèvent aux écoles du moment où l’industrie peut utiliser leurs bras. Cette société, sous la restauration, a lutté, avec le zèle le plus louable, contre un parti qui alors réclamait le monopole de l’instruction comme aujourd’hui il en réclame la liberté illimitée, pour l’exploiter au profit de ses passions et de ses intérêts. C’était alors une véritable association politique qui marchait avec le parti libéral à la conquête de l’enseignement mutuel ; aussi, après le triomphe, en 1831, fut-elle reconnue comme établissement d’utilité publique. Son zèle, depuis ce temps, ne s’est point ralenti. Elle a travaillé à perfectionner les méthodes, à former des maîtres habiles qu’elle envoie dans les provinces, enfin elle publie un Journal de l’éducation populaire, qui contient d’excellens préceptes et des vues fort utiles. Par malheur, cette publication, comme la plupart de celles du même genre, n’arrive que difficilement jusqu’aux lecteurs auxquels elle est spécialement destinée, et ce n’est guère que par la création des bibliothèques communales qu’on peut espérer de voir l’instruction élémentaire porter tous ses fruits. Quoi qu’il en soit, on ne saurait trop engager la société à redoubler d’efforts, car le parti qu’elle a si vivement combattu sous la restauration