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comité de salut public pouvait dire justement que, seules au milieu du silence effrayant et général de l’instruction, elles avaient fait entendre la voix de la science.

Sous l’empire, le mouvement académique fut surtout littéraire ; il en fut de même sous la restauration. À cette date, un grand nombre d’académies s’appliquèrent à mériter, par la pureté de leurs sentimens monarchiques, le titre de royale. On peut citer, comme type de ces réunions bien pensantes, la Société des bonnes lettres, fondée à Paris le 15 février 1821. Cette association, qui comptait parmi ses membres actifs MM. de Châteaubriand, de Genoude, Raoul Rochette, Nodier, avait pour but de rendre toutes les muses royalistes et d’en faire les interprètes de la France monarchique. On publiait des annales que la Société des bons livres recommandait dans ses prospectus. Pour disposer les abonnés en faveur de cette publication, le directeur, M. le baron Trouvé, inséra en tête du premier volume des vers « que la muse harmonieuse de M. Ancelot avait fait entendre à la naissance d’un auguste enfant. » Les Annales, qui se soutinrent pendant plusieurs années avec quelque succès dans le monde monarchique, cessèrent de paraître en 1829, faute d’abonnés, car les sympathies n’étaient plus aux muses royalistes. La Société des bonnes lettres avait manqué son but, mais le recueil qu’elle a publié n’est pas sans intérêt, et on le consultera toujours avec fruit pour l’histoire des variations politiques et littéraires de notre temps.

La guerre des classiques et des romantiques, cette guerre acharnée qui a fini, comme toujours, par un traité de paix, enfanta quelques tentatives d’académies, qu’on voulait opposer à la vieille et décrépite institution de Richelieu, comme aujourd’hui on oppose le phalanstère aux villes des civilisés. Le romantisme eut ses initiés comme les religions naissantes, et le cénacle fut fondé, académie abstraite opposée à l’Académie française, qui alors ne s’attendait guère à voir siéger dans ses rangs les principaux chefs de l’armée ennemie. L’influence qu’exerça le cénacle sur le développement de notre poésie lyrique, bien que resserrée dans les limites de l’école, fut salutaire à certains égards ; mais la poétique assemblée eut aussi ses faiblesses, trop souvent elle décerna un peu à la légère les brevets de génie et d’immortalité. De trop faciles ovations, dont quelques talens privilégiés pouvaient seuls braver l’action énervante, devaient vite amollir des natures moins heureusement douées. Cette fâcheuse tendance à surexciter les ambitions poétiques s’est conservée dans notre littérature. Le cénacle a disparu, mais ses traditions n’ont pas toutes péri, et, tous les jours, de jeunes muses qui se trompent d’époque viennent expier devant le public l’erreur où les ont jetées quelques éloges irréfléchis.

Une ère nouvelle commence, pour les sociétés savantes, avec la révolution de juillet. L’attention des esprits, en se tournant d’une part vers l’étude des problèmes sociaux, de l’autre vers l’application des sciences aux progrès matériels, appela de ce côté les efforts des associations académiques. Dans une circulaire ministérielle écrite en 1834, et signée de M. Guizot, nous lisons ce remarquable passage : « Au moment où l’instruction populaire se répand de toutes parts, au moment où les efforts dont elle est l’objet amènent dans les classes nombreuses qui sont vouées au travail manuel un mouvement d’esprit énergique, il importe beaucoup que les classes aisées, qui se livrent au travail intellectuel, ne se laissent