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escortait alors un convoi parti des Antilles. Au début de cette guerre, nous avions donc, pour couvrir la rentrée de nos convois et inquiéter ceux de l’ennemi, 42 vaisseaux déjà hors de nos ports ou près d’en sortir. C’est à ce chiffre qu’il faut s’arrêter pour apprécier à sa juste valeur l’établissement naval que la monarchie léguait, en s’écroulant, à ce pouvoir héroïque et brouillon qui devait, en quelques années, préparer la ruine de notre marine. Ces 42 vaisseaux de ligne, prêts à intercepter ou à défendre toutes les grandes routes commerciales par lesquelles devaient revenir en Europe les richesses des Antilles, du Levant et de l’Inde, constituaient en notre faveur une situation que nous serions loin de retrouver au début d’une nouvelle guerre. Quelles que soient les bases que l’on veuille adopter pour évaluer exactement les forces des diverses puissances maritimes, quelque compte que l’on veuille tenir des déplacemens opérés par la science dans l’importance relative des divers élémens constitutifs de la flotte, il est certain que le développement qu’avait atteint notre marine en 1793 est bien loin aujourd’hui de nos plus vastes espérances, peut-être même de nos vœux les plus téméraires. Derrière ces 42 vaisseaux prêts à prendre la mer se trouvait d’ailleurs une réserve imposante. Composée de 34 vaisseaux en bon état, elle devait bientôt s’augmenter de 25 nouveaux vaisseaux, qui allaient être mis sur les chantiers, et nos fonderies préparaient déjà plus de 3,000 canons pour armer ce nouveau matériel.

Cependant, malgré l’immense développement de notre marine en 1793, elle se trouvait encore inférieure à la marine anglaise. En faisant abstraction des non-valeurs, nous possédions alors 76 vaisseaux : l’Angleterre en possédait 115 ; mais, les vaisseaux français étant généralement plus forts que les vaisseaux anglais, notre infériorité devenait moins sensible à mesure que l’on adoptait d’autres termes de comparaison plus exacts. Ainsi, la flotte anglaise portait 8,718 canons, et la nôtre 6,000. En outre, nos canons étant, pour la plupart, d’un plus fort calibre que ceux des Anglais, ils pouvaient lancer, en ne considérant qu’un seul bord des vaisseaux, une volée dont le poids s’élevait à près de 74 mille livres. La volée totale des canons anglais restait encore, il est vrai, plus considérable que celle des nôtres, puisqu’elle était d’environ 88 mille livres ; maiselle ne la dépassait pourtant que d’un peu plus d’un sixième, ce qui réduisait dans une notable proportion l’infériorité relative de notre marine, qui, d’après les premiers chiffres, ne se fût trouvée composer que les deux tiers de la marine anglaise. Même ainsi réduite, cette proportion ne donnerait point encore une idée exacte de la valeur réelle des deux matériels, car, depuis qu’ils avaient été doublés en cuivre comme les vaisseaux anglais, nos vaisseaux avaient recouvré tout l’avantage de marche que devait leur assurer une construction infiniment supérieure. Les Anglais possédaient, il est vrai,