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fois ame et partie dans le vaisseau qu’il conduit, — M. Poe l’appelle Dieu. Il conteste la séparation que les hommes ont voulu établir entre l’esprit et la matière. Tout est matière, même Dieu, composé seulement de la substance la plus subtile, de celle-là même qui agit en nous sous le nom d’ame : substance à part, sublimée par-delà tout ce que peut concevoir l’esprit humain, une, indivisible, et qui n’est pas formée comme toutes les autres de particules agglomérées. Elle emplit toute chose, fait mouvoir toute chose, elle est elle-même tout ce qui est compris en elle, c’est-à-dire l’univers entier. Au repos, cette Substance-Dieu est l’ame universelle ; active, elle est la faculté créatrice. Cette portion de nous-mêmes que nous appelons notre ame est un fragment de l’ame universelle, qui, sans cesser d’en faire partie, se trouve incarnée, individualisée pour un temps. L’incarnation seule, en donnant à cette fraction de substance divine des organes bornés, limite la toute-puissance qui serait sans cela son attribut nécessaire. L’homme, par conséquent, séparé de son corps, serait Dieu ou rentrerait en Dieu. Mais cette séparation n’est pas possible. L’homme est une créature, les créatures sont des pensées de Dieu. Toute pensée est irrévocable par sa nature.

« Expliquez-vous, s’écrie l’interlocuteur de M. Van-Kick ; voulez-vous dire que l’homme ne sera jamais dépouillé de son corps ?

— J’ai dit, répond le somnambule, qu’il ne serait jamais incorporel. En effet, il y a deux corps : l’un rudimentaire, l’autre complet, dont une analogie vous fera comprendre la différence. L’un de ces corps est le ver, l’autre est le papillon. Ce que nous appelons la mort n’est autre chose que la pénible métamorphose qui marque le passage de la première à la seconde de ces conditions. Notre incarnation actuelle est progressive, préparatoire, éphémère ; notre incarnation future sera parfaite, définitive, immortelle.

— Mais nous savons comment s’accomplit la métamorphose du ver ; nous en suivons une à une toutes les phases.

Nous, sans doute, mais non pas le ver. Le corps rudimentaire est une matière visible pour lui-même ; mais les organes qui le servent sont trop imparfaits, trop grossiers, pour saisir, au moment où elle s’échappe, la forme intérieure, qui s’est peu à peu développée sous cette enveloppe périssable. »

M. Van-Kirk explique ensuite, avec une lucidité singulière, ce qui se passe durant l’extase magnétique, où, les organes du corps rudimentaire se trouvant paralysés, le medium clairvoyant du corps ultérieur, de ce corps trop subtil pour avoir des organes, fonctionne librement, etc. — Nous n’irons pas plus loin dans cet exposé purement hypothétique, dont plusieurs passages nous ont rappelé les inspirations ou plutôt les aspirations de quelques-uns de nos romanciers, qui trouvèrent charmant