Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’éclat indicible, l’ardeur concentrée. — Ainsi tout fut consommé ! »

Vous le voyez, ce récit extraordinaire, ce caprice inoui d’une imagination que rien n’arrête, a tous les dehors, sinon toute la réalité d’une logique sévère. Peu de gens nieront qu’une comète et le globe terrestre peuvent se rencontrer dans l’espace. Ceci posé, il vous faut admettre, au moins comme très probable, cette conflagration de gaz, cet incendie de l’atmosphère, cette horrible fin de toute la race humaine tout à coup réduite à n’aspirer que de la flamme.

Quand on a une fois abordé de pareils problèmes, on se complaît bientôt à passer en revue tous ceux dont la science semble condamnée à nous refuser éternellement la solution, réservée à Dieu. M. Poe est donc amené à chercher une explication plausible de l’ame humaine et de la divinité. C’est le sujet d’un troisième récit intitulé Révélations mesmnériques. L’auteur se suppose au chevet d’un incrédule qui, arrivé au dernier période d’une maladie mortelle, se fait traiter par le magnétisme. M. Van-Kirk a douté toute sa vie de l’immortalité de l’ame. Depuis quelques jours seulement, troublé par les vagues souvenirs que lui laissent ses extases de somnambule, il se demande si, dans cet état singulier, une série de questions bien faites ne pourrait pas éclairer d’un jour tout nouveau les vérités métaphysiques, devinées peut-être, mais mal expliquées et mal commentées par la philosophie, qu’arrête l’insuffisance de ses ressources ordinaires. En effet, du moment où l’action magnétique permet à l’homme de suppléer à l’imperfection de ses organes finis et le transporte, doué d’une clairvoyance miraculeuse, dans le domaine des créations qui échappent aux sens, n’est-il pas très naturel que le somnambule ait, mieux que tout autre, le pouvoir de nous expliquer les réalités cachées du monde invisible ? Ce premier point gagné, fiez-vous au conteur pour vous donner, par demandes et par réponses, une théorie très vraisemblable de tout ce qui se rattache à la division de l’ame et du corps, à l’essence qui constitue cette force et cet ordre supérieur connus sous le nom de Dieu, aux rapports ignorés de l’ame humaine, particule individualisée de la divinité, avec cette divinité dont elle est séparée à jamais. Il va sans le dire que nous ne nous portons nullement garant, contre les illustres représentans de la philosophie moderne, du système exposé par le conteur américain. Autant vaudrait ressusciter, pour avoir à les défendre, les théories du cardinal de Cusa (Nicolas Chripffs) sur l’incompréhensibilité compréhensible, théories avec lesquelles celle de M. Edgar Poe n’est pas sans quelques rapports éloignés. Autant vaudrait nous faire les champions de Giordano Bruno, qui semble aussi avoir une bonne part dans les ingénieuses hypothèses de M. Poe. Ce que Bruno appelait Nature, à la fois principe et élément de ce qui est, — comme un pilote peut être à la