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relations toutes formées à Batavia, qui, malgré ses droits de douane élevés, est un excellent marché pour nos indiennes et pour plusieurs de nos articles de Paris. Les Philippines consommaient jadis des quantités considérables de mouchoirs et de cambayas de notre fabrication. Notre commerce, privé de bons renseignemens, a négligé ces précieux débouchés, qui sont presque entièrement perdus pour lui. Des agens intelligens et dévoués, placés à Manille et à Batavia, lui rendraient sans aucun doute, dans le premier de ces ports, l’importance qu’il n’aurait jamais dû perdre, et développeraient, dans l’autre, des relations très bien entamées.

Les divers navires expédiés de France suivraient naturellement, pour atteindre la Chine, des itinéraires différens. L’un, par exemple, irait solder une partie de ses marchandises à Bourbon contre du numéraire qu’il placerait à un bon taux à Calcutta, où il pourrait charger du coton en laine et d’autres denrées pour Canton. Un second navire prendrait à Singapore de l’étain, qui se place bien en Chine ; il passerait à Manille, où il laisserait des cambayas, et il y commanderait en même temps à l’agent français un chargement de retour composé de café, d’indigo, de bois de sapan, etc. Un autre bâtiment relâcherait à Java, y déposerait une partie de ses marchandises, se dirigerait vers Canton, et reviendrait prendre à Java un chargement commandé à l’avance. Cinq ou six navires frétés par la compagnie suffiraient sans doute à ses relations dans les premiers temps, mais le nombre de ces navires pourrait, nous le croyons, s’élever à huit ou neuf au bout de quelques années, et ce serait un résultat très satisfaisant.

Telle nous paraît être la marche à suivre dans l’état actuel de nos relations avec la Chine. L’avenir qui s’offre à nous dans cet empire, bien qu’il ne réponde peut-être pas à tous nos rêves, est loin cependant de mériter nos dédains. Nos rapports avec l’extrême Orient, restreints même à ces limites, offrent encore assez d’avantages pour stimuler cette mollesse et cette timidité qu’on a été en droit quelquefois de reprocher à nos négocians. Il faut espérer qu’en présence du monde nouveau ouvert à l’Europe, le commerce français unira ses efforts et se fera représenter dignement sur ces rives lointaines, où nous porterons enfin l’unité d’action et de volonté, la persévérance et le zèle qui seuls peuvent faire prospérer nos entreprises.


AUGUSTE HAUSSMANN,

Membre de la mission de France en Chine.