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leurs produits vendus d’une façon désastreuse, comme l’ont été plusieurs cargaisons de draps français expédiées en Chine dans ces derniers temps. Notre industrie lainière est certainement appelée à trouver aussi une place sur ce marché lointain, bien au-dessous toutefois de l’industrie britannique. Aux articles principaux d’importation que nous avons nommés, il sera bon de joindre quelques produits de l’industrie parisienne, des glaces de petite dimension et à très bas prix, des pendules, des bronzes, des gravures, des cristaux, des produits chimiques ; mais les prix, nécessairement incertains, de ces divers objets commandent de n’en faire d’abord que des envois très limités.

La question capitale pour nous est moins dans les importations que dans les exportations. Le faible bénéfice que nous parviendrions très péniblement à réaliser sur les premières ne serait point un attrait suffisant pour notre commerce, si quelque chargement avantageux ne devait pas être le prix de ces lointaines et hasardeuses expéditions. Parmi les articles d’exportation de la Chine, il en est un qui mérite de fixer notre attention : c’est la soie grège. Nous ne pouvons pas songer à opérer nos retours avec des chinoiseries : il nous faut une base solide, un objet de grande consommation. Y aura-t-il possibilité pour la France d’employer les soies de Changhaï et de Canton, comme on le fait en Angleterre ? Pourrons-nous remplacer par des soies chinoises celles que nous achetons au Piémont et à la Lombardie ? Là gît l’avenir de notre commerce avec la Chine. Si nos fabricans parviennent à découvrir un procédé pour manufacturer convenablement cette soie, en la mélangeant à celle de notre pays, en la soumettant à des manipulations nouvelles, ou en la destinant à des tissus spéciaux, nos affaires avec l’extrême Orient sont assurées ; car les opérations d’achats et de ventes sont étroitement unies sur ces marchés, et, avec des articles de retour avantageux, les bas prix même des importations n’ont rien d’effrayant. Le bénéfice sur la soie peut compenser, et bien au-delà, la perte sur la vente des tissus de coton ou de laine. C’est ainsi que les Anglais trouvent souvent dans leurs achats de thés un ample dédommagement de la vente à prix inférieur de leurs longcloths. Les opérations sont complexes en Chine : toute affaire y a deux faces, car elle n’est qu’un échange, et il suffit souvent qu’une seule de ces faces soit brillante. En ce moment, l’attention des fabricans du midi est appelée sur la question des soies de Chine, et l’on peut espérer que le problème ne tardera pas à recevoir une solution satisfaisante.

Outre la soie, si elle est jugée convenable, nous aurions à acheter pour environ 800,000 francs de thé destiné à la consommation française, et peut-être, si nos relations avec la Chine prenaient de l’extension, serions-nous à même d’approvisionner de cet article quelques petits états voisins. Restent la rhubarbe, les laques, le vermillon, les porcelaines, les nankins, qui pourront compléter nos chargemens. À ces articles viendront se joindre aussi, selon toute apparence, quelques substances tinctoriales chinoises, dont les échantillons sont en ce moment soumis à une commission composée de plusieurs notabilités de la science et du commerce.

Si, comme tout le fait supposer, une société se forme en France pour l’exploitation des marchés de l’extrême Orient, des comptoirs devront être établis à Canton, et sans doute à Manille, à Batavia, à Singapore, afin de relier ces points importans et de donner de l’ensemble à nos affaires. Notre commerce a déjà des