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Un autre port, celui de Fou-tchaou-fou, qui n’est qu’à 1,400 kilomètres des fameuses collines Bohi, où se cultive le meilleur thé de l’empire, parait aussi appelé à concourir pour une large part à cette exportation.

L’exportation de la soie grège s’est élevée à Canton à 11,929,000 fr., celle des tissus de soie à 8,199,900 fr., et celle de la soie en fils et en rubans à 392,654 fr. Pour la soie grège ainsi que pour le thé, Changhaï semble appelé à prendre la place de Canton, comme grand centre d’exportation. On y trouve à des prix beaucoup plus modérés qu’à Canton les belles qualités de soie grège dite de Nankin. En revanche, Canton pourra devenir un marché important pour les produits de l’industrie sucrière en Chine. Cette ville a exporté en 1844, uniquement sous pavillon anglais, 3,812,000 kilog. de sucre brut, valant 2,062,700 fr., et 1,951,000 kilog. de sucre candi, valant 1,414,700 fr. La canne à sucre est l’objet d’une culture immense en Chine, surtout dans le Fo-kien, dans l’île de Formose et dans certaines parties de la province de Canton. Les procédés industriels employés pour la fabrication du sucre y sont encore dans l’enfance, et néanmoins la Chine est aujourd’hui en mesure d’entrer en concurrence avec les îles de l’archipel malais, telles que Java et Luçon, pour livrer à l’Europe ce produit si indispensable, qui appelle, on ne peut se le dissimuler, une modification dans notre tarif douanier.

Le thé, le sucre, la soie grège, voilà donc trois branches principales d’exportation pour la Chine. Parmi les articles que ce pays peut encore nous fournir, nous citerons la porcelaine, dont l’inimitable légèreté est bien connue, et qu’on obtiendra dans le nord de la Chine à bien meilleur marché qu’à Canton ; les laques, pour lesquelles Canton conserve au contraire une notable prééminence ; les papiers, qui, par leur variété et leur bas prix, constituent une des plus belles industries chinoises ; divers produits naturels, tels que la casse, l’alun, l’huile d’anis, la rhubarbe, le mercure, la racine de squine, enfin des objets de luxe, tels que les parasols et les éventails. Tous ces articles ont figuré dans les exportations de 1844 pour des sommes considérables.

Par ce tableau rapide des importations et des exportations de la Chine pendant une seule année, on peut juger de la place qu’occuperont un jour les ports de ce grand pays parmi les marchés du monde. Comment se défendre d’admirer les états européens dont l’activité s’est montrée si puissante et si féconde sur ce point du globe, autrefois fermé à la vie commerciale ? Comment aussi échapper à un sentiment de tristesse, quand on songe qu’au milieu des chiffres énormes que nous venons de remuer, la France n’a su trouver qu’une place de 2 à 300,000 fr. pour ses importations comme pour ses exportations ? En présence de ce pénible contraste, on veut d’abord connaître les causes de notre infériorité, et on se demande ensuite si ces causes peuvent être combattues.

Notre commerce, il faut bien le dire, n’est point placé en Chine dans les conditions avantageuses qui s’offrent à la Grande-Bretagne et à l’Amérique. Pour la première de ces puissances, l’opium, les cotons, le thé, la soie grège, pour la seconde, ces trois derniers articles et les tissus de soie, sont des objets de transactions constantes, naturelles et faciles. L’Angleterre possède à peu de distance de la Chine ses grands comptoirs de l’Inde. Sa marine marchande emploie de nombreux bâtimens frétés à bas prix ; sa fabrication est arrivée, grace à l’abondance de la houille et du fer sur les lieux de production, à un degré d’économie que