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La France n’a envoyé, en 1844, à Canton, que deux navires jaugeant 751 tonneaux, dont l’importation a été de 186,000 fr., et l’exportation de 204,000. — La Hollande a importé, cette même année, pour 1,274,000 fr., et a exporté pour 3,495,000 fr. -Le mouvement commercial allemand et espagnol a été très minime.

En 1845, cette situation n’a présenté que deux modifications notables : les importations ont diminué à Canton, pendant que le nombre des exportations a augmenté. Le commerce de Changhaï a doublé pendant la même année.

Cherchons maintenant à nous rendre compte de l’avenir réservé à certaines branches du commerce d’importation ou d’exportation en Chine. Il en est qui sont en voie de progrès, d’autres qui doivent demeurer stationnaires, d’autres enfin qui n’offrent que peu de chances favorables. C’est l’opium qui, parmi les articles d’importation, se présente au premier rang. Ce commerce, frappé de tant d’édits menaçans et cause, en dernier lieu, d’une guerre mémorable, est aujourd’hui plus florissant que jamais. La loi qui défend l’introduction de l’opium n’est pas abolie, mais elle est traitée comme lettre morte. Les mandarins eux-mêmes prêtent la main à la fraude. Celui de Chusan, par exemple, expédie l’opium à son collègue de Ning-po, moyennant une remise de 10 piastres par caisse que lui font les contrebandiers. On n’attend, dit-on que la mort de l’empereur pour légaliser un commerce contre lequel ce prince s’est prononcé d’une façon trop formelle pour pouvoir revenir sur son veto sans compromettre gravement, aux yeux du peuple chinois, son autorité, déjà bien affaiblie. L’usage de l’opium n’est plus aujourd’hui, en Chine, une affaire de luxe : c’est une nécessité. Les plus pauvres cherchent à se procurer quelques résidus de ce narcotique adoré. Depuis le mandarin à bouton rouge jusqu’au couli demi-nu, toute la Chine fume aujourd’hui l’opium. Le commerce actuel de cette substance peut être évalué chaque année à 150 ou 200 millions de francs : c’est presque le double du commerce d’exportation légale. La vente de l’opium ne pouvant avoir lieu dans les ports ouverts, la contrebande a fixé ses stations dans les environs de ces ports[1]. Il y a, à chaque station, quelques navires-magasins qui y demeurent à poste fixe, et que les clippers anglais d’Hong-kong et de l’Inde viennent approvisionner de temps en temps. C’est à ces navires que les bateaux de contrebandiers chinois achètent l’opium, sans être inquiétés par la douane.

Après l’opium, les cotons en laine et manufacturés sont l’article d’importation le plus considérable. Dès le siècle dernier, la compagnie des Indes anglaises expédiait d’assez fortes cargaisons de cotons en laine sur le marché de Chine, et s’occupait activement de l’extension de ce commerce, qui, en 1821, s’éleva à la somme de 16 millions et demi. En 1844, le port de Canton a reçu 47,627,000 kilogrammes de cet article, représentant une valeur de 38,340,000 francs. Le coton de l’Inde figurait dans ce chiffre pour 46,440,000 kilogrammes, et celui des États-Unis pour 1,187,000 kilogrammes seulement ; mais ce dernier lainage, qui a été long-temps, de la part des Chinois, l’objet d’une injuste prévention, paraît devoir entrer désormais très largement dans la consommation du Céleste Empire. Il a

  1. Voici les noms des principales de ces stations : Kap-sing-moun, près Canton, écoule 800 caisses par mois ; Hou-song, près de Changhaï, 1,000 ; Gosou, près d’Amoy, 180 ; Namo, 200 ; Chusan, 250. Hong-Kong et Macao sont aussi des stations très importantes.