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Les cheveux sont rassemblés en forme d’aile sur le sommet de la tête : cette masse compacte, fixée et maintenue par un morceau de bois, se termine par derrière en une longue pointe qui suit la direction de la nuque. Plusieurs peignes et de grandes épingles d’or sont ajoutés dans les cheveux, que les personnes des classes élevées sèment de fleurs et de perles. Les dames chinoises portent des bracelets en jade, dans lesquels elles font entrer la main en l’arrondissant, et qui glissent par conséquent sur l’avant-bras. Non contentes de se farder ridiculement la figure, elles se peignent les lèvres et les sourcils. Telle est du moins l’habitude des femmes riches. Celles de la classe inférieure ne portent point de jupe ; leur vêtement se compose d’une large casaque en toile de coton bleue et d’un pantalon bouffant. Les jeunes filles, jusqu’à l’âge de dix ou douze ans, ont la queue séparée en deux parties et les cheveux taillés droits un peu au-dessus de la naissance du nez, ce qui leur donne un air assez comique. Il a été souvent question du pied des Chinoises, dont une compression exercée dès la plus tendre enfance réduit si étrangement les proportions naturelles. Aussi ne nous étendrons-nous pas sur ce triste sujet. Il n’y a guère que les femmes des classes riches qui parviennent à donner à leur pied le degré de petitesse considéré comme la perfection du genre. Les gens du peuple, qui sentent la nécessité du libre usage de leurs jambes, ont assez généralement le bon esprit de ne pas estropier leurs enfans. En Chine, d’ailleurs, les extrêmes se touchent. On ne trouve de grands pieds que chez les femmes de la basse classe et chez celles de l’empereur et des plus hauts dignitaires, qui ont conservé les usages tartares.

L’étiquette, qui règle jusqu’aux accessoires du costume, se retrouve dans les moindres détails de la vie chinoise. Tout y devient prétexte à fêtes et à cérémonies. La vie privée, la vie publique, ont chacune des solennités qui se disputent l’attention du voyageur. Si je ne vis pas célébrer de mariages pendant mon séjour à Canton, j’eus souvent occasion d’assister à des funérailles. Quand un malade paraît sur le point de rendre le dernier soupir, on lui met dans la bouche une pièce d’argent, et on lui ferme soigneusement les narines et les yeux. A peine a-t-il cessé de vivre que l’on pratique une ouverture au toit de la maison, afin de livrer à son ame une issue commode ; puis, l’on se hâte de chercher des prêtres ou bonzes qui arrivent couverts de longs manteaux rouges et commencent leurs prières entremêlées d’une affreuse musique de gongs, de flûtes et de chants. On étend un drap rouge sur une couchette où l’on dépose le cadavre. A côté, l’on dresse une table qu’on couvre de mets, de cierges et de parfums. Une sorte de chapelle est élevée à l’entrée de la maison, et décorée de papiers dorés et de grandes lanternes. La famille, les amis du défunt, vêtus de blanc et le front entouré de mouchoirs de même couleur, forment cercle et se prosternent autour de la table en poussant par intervalles de légers gémissemens. Toutes les connaissances du mort, qui viennent faire leurs complimens de condoléance, se couchent à terre, après avoir déposé quelque cadeau, un cierge ou des parfums. Plusieurs bonzes s’établissent à l’entrée, autour d’une petite table sur laquelle on leur sert du thé. Après avoir bu et fumé tranquillement leur pipe, ils recommencent à chanter, à agiter des sonnettes et à faire de la musique ; puis ils livrent aux flammes une grande quantité de papiers dorés. A Canton, l’exposition dure un jour, après lequel on dépose le corps du défunt, revêtu de ses plus beaux habits, dans un grand et épais cercueil de forme arquée, qui est en bois de sandal