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archipel des Ægades, qu’aucun zoologiste n’avait encore visité. Le champ ouvert à nos explorations se composait de quelques roches nues formant autant d’îlots, et de trois îles principales, Favignana, Levanzo et Maretimo. Nous crûmes inutile d’étendre nos excursions jusqu’à ces deux dernières. Maretimo était trop éloignée, et quant à Levanzo, entièrement formée d’un calcaire crayeux très dur qui s’élève en montagnes abruptes, elle est complètement dépourvue de végétation et ne peut nourrir beaucoup d’espèces terrestres. Nous connaissions d’ailleurs trop bien la roche dont je viens de parler ; elle s’était toujours montrée à nous accompagnée de caryophyllies, polypes très jolis semblables à des fleurs d’un jaune orangé, mais dont la présence annonce une grande pauvreté zoologique sous tous les autres rapports. Nous laissâmes donc de côté ces îles, dont l’une est tout-à-fait déserte, et dont l’autre n’a pour habitans que la garnison d’un petit fort et les employés de son télégraphe.

D’ailleurs, Favignana suffisait à elle seule pour employer tous nos instans. Bien plus grande que ses deux sœurs, car elle a près de sept lieues de tour, elle présente une certaine variété dans sa constitution géologique. Sa partie centrale est entièrement occupée par un massif de montagnes semblables à celles de Levanzo, hautes de mille à douze cents pieds, et dont le point culminant est occupé par le fort Sainte-Catherine, prison d’état qui, dans les diverses révolutions de Naples, a conquis une triste célébrité ; mais, à l’est et à l’ouest de l’île, le calcaire crayeux est recouvert par une roche très différente, appelée par les géologues calcaire de Palerme. Tendre et friable, cette dernière est presque entièrement composée de fossiles d’animaux inférieurs. L’œil nu on armé de la loupe y reconnaît une incroyable variété de zoophytes, un nombre infini d’éponges et de polypiers d’espèces différentes. Un pied cube de cette pierre donnerait parfois à lui seul toute une collection, et, si la mer avec ses populations vivantes n’eût appelé toute notre activité, nous eussions certainement recueilli bien des échantillons offrant un intérêt réel.

Au milieu de ces fossiles généralement fort petits, presque microscopiques, et appartenant tous aux derniers représentans de l’animalité, se trouvent disséminés des têts d’oursins ou d’étoiles de mer, quelques coquilles d’huîtres et de peignes, animaux à la fois plus élevés dans l’échelle des êtres et présentant des dimensions beaucoup plus considérables ; mais ces rayonnés supérieurs ou ces mollusques n’entrent que.pour une faible part dans la composition de la roche. Sous ce rapport, le calcaire de Favignana offre la répétition d’un fait général et des plus remarquables. En interrogeant les restes ensevelis dans les couches du globe pour retrouver, au moyen de ces antiques archives, les traces du passé de notre planète, on ne tarde pas à reconnaître que l’importance