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mont Eryx, passent pour les plus belles de la Sicile. En admettant que ce fait soit vrai, on en trouverait peut-être une explication toute naturelle dans cette transmission des caractères de race à laquelle l’homme, est soumis aussi bien que les animaux. Le temple de Vénus Erycine n’avait pour prêtresses que des jeunes filles choisies avec ’soin dans toute l’étendue de la Grèce, de la Sicile et de l’Italie. Ces prêtresses n’étaient pas des vestales. Pendant des siècles, les populations voisines ont dû se retremper à cette source d’élite. Il est impossible que cette circonstance soit restée sans influence sur leur développement physique, et peut-être est-il permis de penser que la supériorité des femmes de San-Juliano atteste encore de nos jours la puissance de cette action par une empreinte gracieuse que le temps n’a pu effacer.

Un désappointement pareil à celui que nous avions éprouvé à Castellammare nous attendait à Trapani. Un coup d’œil suffit pour reconnaître que nous n’avions rien à espérer des roches acores qu’on rencontre au nord de la ville, et moins encore peut-être des immenses marais salins en pleine exploitation qui s’étendent au midi. Sans hésiter, nous résolûmes de pousser plus loin. Les anciennes îles AEgades, aujourd’hui îles Favignana, se montraient à trois lieues de nous, et, grace à la transparence de l’atmosphère, nous apercevions à l’œil nu les rochers, les découpures profondes indiquées sur nos cartes. Ce petit archipel semblait devoir nous offrir toutes les conditions favorables à nos travaux. Une reconnaissance rapide confirma ces conjectures, et, la Sainte-Rosalie ayant enfin gagné Trapani, nous partîmes pleins d’espoir pour cette nouvelle station.

Placées tout-à-fait en dehors des routes ordinaires et presque entièrement dépourvues de commerce, les îles Favignana sont très rarement visitées par les étrangers. A peine quelque Anglais marchand de vin s’y montre-t-il de loin en loin ; de mémoire d’homme, on ne se rappelait pas d’y avoir vu un Français. On comprend dès-lors la sensation qu’avaient dû produire les lettres du duc de Serra di Falco et du duc de Cacamo, annonçant l’arrivée de trois naturalistes de cette nation et les recommandant aux autorités. Aussi, lors de la courte excursion nécessaire pour reconnaître les localités ; avais-je été accueilli avec un remarquable empressement. Il signor, Gaspardo, chef de la santé, était venu me recevoir en grande cérémonie. Son père, il signor Bartholini, un des principaux notables, m’avait libéralement hébergé. Enfin le commandant du fort Sainte-Catherine, il signor di Georgio, avait mis à la disposition des scienciati francese sa maison de campagne, placée sur le bord de la mer, à une lieue environ du village.

Nous vînmes prendre terre dans une petite anse creusée en face de notre future résidence, et trouvâmes un monde d’ouvriers occupés à rendre celle-ci digne de nous recevoir. On crépissait les murs, on