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la première moitié de la domination espagnole que vécut le peintre dont le nom, à peine connu en France, est resté populaire en Portugal : nous voulons parler de Vasco Fernandez, surnommé Gran-Vasco, qui naquit en 1552 à Vizeu, où se trouvent conservés un grand nombre de ses ouvrages. « Il me serait difficile, dit M. Raczynski, de déterminer quels sont les tableaux qu’à Lisbonne on attribue à Gran-Vasco. Il me semble que cette dénomination, dans l’idée qu’on y attache généralement, désigne plutôt une catégorie de vieux panneaux, envisagée sous le point de vue d’un certain air gothique qui lui est propre, qu’une origine, un nom d’auteur et même une nationalité distincte. Il y a des personnes qui vont jusqu’à dire qu’on rencontre des Gran-Vasco en très grand nombre en Allemagne ; d’autres donnent ce nom indistinctement à tous les tableaux du Portugal qui appartiennent au commencement du XVIe siècle ; d’autres enfin établissent des distinctions : ce qui leur parait bien fait est toujours l’œuvre de Gran-Vasco, ce qui est moins bien est de son école. « C’est à Vizeu que M. Raczynski a pu examiner des tableaux qui lui ont paru être réellement de la main de ce maître. Ces tableaux se rattachent non pas à l’école italienne, mais à celle d’Albert Dürer, qui a eu en Portugal une influence bien plus remarquable et bien plus féconde en résultats.

La peinture portugaise paraît avoir atteint son apogée au XVIe siècle, et, bien que les artistes deviennent plus nombreux aux siècles suivans, ils semblent être restés fort inférieurs à leurs devanciers ; du moins c’est ce qu’on peut conclure à tous les faits rapportés par M. Raczynski, qui nous a transmis en outre des renseignemens précis sur l’état actuel de la peinture en Portugal. A en juger par son compte-rendu de l’exposition triennale de 1843, on voit que, malgré les éloges prodigués aux artistes par les journaux de Lisbonne, il est peu enthousiasmé des productions de l’école moderne, et franchement, d’après la situation politique du pays, il n’y a guère lieu de s’en étonner.

Raczynski a consacré aussi plusieurs lettres à l’histoire de la sculpture et de l’architecture. La sculpture ne commença guère à se perfectionner qu’au XVIIe siècle, et, suivant lui, elle n’a rien produit qui puisse rehausser la gloire du Portugal. Les œuvres des sculpteurs de ce siècle et du siècle suivant sont presque toutes en bois et en terre cuite ; les statues en pierre sont dues pour la plupart à des étrangers. L’architecture gothique fut introduite en Portugal sous Jean Ier, dit le Grand (1383-1433), par suite des relations actives qui existaient entre ce prince et les rois d’Angleterre, et, sous Emmanuel, il se forma un style particulier tenant à la fois du gothique et de la renaissance. L’influence italienne domina pendant tout le XVIIIe siècle et le commencement du XIXe ; mais les monumens appartenant à l’époque de Pombal offrent un style particulier que M. Raczynski regarde comme vraiment national.

Le livre de M. Raczynski est une source de précieux renseignemens. L’auteur, ayant parcouru les diverses provinces du Portugal, a mentionné avec le plus grand soin les objets d’art épars dans les localités qu’il a visitées et les artistes auxquels ils sont attribués ; il a en outre publié des documens et des mémoires historiques conservés dans des bibliothèques ou dans des archives : nous citerons, entre autres, plusieurs traités sur la peinture composés vers le milieu du XVIe siècle par François de Hollande, architecte et enlumineur, que Jean III avait envoyé en Italie. François paraît avoir vécu assez intimement avec Michel-Ange,