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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 septembre 1846.


Nous voudrions, au milieu des élémens divers et de tous les incidens dont se compose la question d’Espagne, démêler et établir le vrai. Peu d’affaires diplomatiques ont fait autant de bruit que ce double mariage, qui a surtout soulevé les vivacités de la presse anglaise. Quelle explosion de clameurs et de récriminations ! Cependant il ne saurait être donné à la polémique, si ardente qu’elle soit, de faire prendre le change sur le fond des choses aux esprits sérieux et de bonne foi. Laissons donc de côté tout ce que la passion et la fantaisie ont pu imaginer pour ne considérer que les faits. Les filles de Ferdinand VII épousent deux Bourbons, dont l’un est Espagnol et l’autre Français. Y a-t-il là quelque chose d’alarmant pour l’équilibre européen ? Sur le continent, cette nouvelle n’a produit aucune rumeur. Les cabinets de Vienne, de Berlin et de Saint-Pétersbourg, qui n’ont pas encore reconnu le gouvernement de la reine Isabelle, restent spectateurs silencieux. Ils n’ont pas qualité pour intervenir dans des négociations matrimoniales qui d’ailleurs ne les blessent en rien ; ils regardent, ils attendent, ils semblent même mieux disposés à reconnaître le gouvernement de la jeune reine. L’Angleterre a naturellement une autre attitude : elle a contribué, avec la France, à établir, à consolider l’ordre de choses qui depuis treize ans existe en Espagne. La France et l’Espagne devaient donc, dans des limites raisonnables, prendre en considération ce qui pouvait convenir au cabinet de Londres, ce qui pouvait lui déplaire. Il nous semble qu’il a été satisfait à cette obligation largement le jour où la France a renoncé à donner un mari à la reine d’Espagne. Ce jour-là, on a été bien au-delà du traité d’Utrecht. On pouvait, en effet, sans violer ni l’esprit ni la lettre de ce traité célèbre, céder aux vœux des Espagnols, qui appelaient, il y a quelques années, M. le duc d’Aumale, pour recevoir la main de la reine Isabelle. On ne l’a pas fait ; mais, pour cela, avait-on renoncé à toute alliance entre les Bourbons de France et d’Espagne ? Toute union était-elle désormais impossible entre les princes et les princesses des deux maisons ? C’est cepen-