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à la première mise de fonds. D’après ce calcul, dont nous laissons la responsabilité à M. Hardy, il n’est pas étonnant qu’on ait déjà fait de vastes plantations de mûriers, malgré les sinistres prédictions dont M. Moll s’est fait l’écho.

On a beaucoup exagéré, à ce qu’il paraît, les ressources que l’Algérie peut offrir à nos constructeurs maritimes. Le pâturage, la culture vagabonde des Arabes, les défrichemens par le feu qui se propage toujours au-delà du champ qu’on veut ensemencer, ont mis à nu des espaces considérables. On estime que les lieux où la végétation forestière a été ainsi détruite formeraient environ le quart de la superficie du Tell, et qu’il ne reste plus aujourd’hui qu’un centième de ce territoire assez richement boisé pour mériter le nom de forêts. La province de Constantine est plus favorisée en ce genre que les deux autres : les futaies renommées de l’Edough et de la Calle ne sont pas les plus belles qu’elle possède. Les provinces d’Alger et d’Oran ont beaucoup plus souffert ; leur plus grande richesse réside dans les massifs de cèdres reconnus vers l’Ouarenseris. Au surplus, le prompt reboisement du sol algérien serait facile, selon M. Moll. L’épaisseur de la couche végétale, même sur les plateaux et les pentes, la différence des températures déterminée par les accidens de terrain, produiraient une végétation forestière aussi riche que variée. Il suffirait de défendre l’usage barbare des incendies, et de prévenir les ravages des bestiaux pour que des broussailles improductives se transformassent en taillis.

Dire que sans bestiaux on n’a pas d’engrais, et sans engrais pas de profits en agriculture, c’est répéter l’axiome fondamental, le premier mot de tout catéchisme agricole. Ce serait une erreur de croire que le sol vierge de l’Algérie a moins besoin d’engrais que les champs épuisés. Plus la terre est naturellement féconde, et plus il est important d’utiliser sa vertu productive. Dans un pays où les frais de premier établissement et le haut prix de la main-d’œuvre grèveront long-temps les produits, il faut, pour suffire aux dépenses, obtenir beaucoup de la terre, et, pour lui demander beaucoup sans la ruiner, il faut lui prodiguer les matières qui réparent ses pertes. En conséquence, on réservera les engrais les plus actifs pour les lieux déjà disposés à la fécondité, pour ceux que l’arrosage enrichit.

La tenue du bétail étant une condition d’existence, il est heureux que ce genre d’industrie offre aux agriculteurs algériens des chances beaucoup plus favorables qu’aux éleveurs français. Dans nos départemens riches, où la terre est la première des valeurs, on les impôts sont lourds, où les fourrages demandés sur tous les marchés s’y maintiennent à un taux élevé, l’éducation des animaux domestiques est une industrie peu lucrative, malgré le haut prix de la viande. Dans les grandes fermes où la tenue des livres en parties doubles est introduite, un compte ouvert