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chêne obéissant l’image de sa cousine. En cherchant l’expression de la pudeur et de la fierté, en s’efforçant de reproduire dans un visage austère et doux le type de la reine et de la sainte, il a modelé involontairement le visage angélique de Madeleine. Sir Edward n’a pu voir Madeleine sans l’aimer ; il lui offre sa fortune et sa main. Maurice presse Madeleine d’accepter cette offre généreuse ; il part, et lui laisse une lettre touchante, empreinte à la fois de résignation et de dévouement. Maurice, régénéré par le travail, a renoncé à ses projets de suicide ; mais, plein de reconnaissance pour Madeleine, il ne veut pas, en restant près d’elle, la condamner à la pauvreté. Cependant, avant de faire son tour de France, il va revoir le château de ses pères ; il va dire adieu aux ombrages qui l’ont vu grandir, aux allées paisibles où il a rencontré Madeleine pour la première fois. Qui trouve-t-il en arrivant ? Madeleine, qui l’attend sur le perron et lui dévoile le secret de sa ruse ingénieuse. Elle s’est faite pauvre pour l’oublier au travail, pour le forcer à ne pas désespérer de lui-même. Maintenant qu’il a repris goût à la vie, maintenant qu’il est régénéré, elle n’hésite pas à lui avouer sa richesse pour la partager avec lui. Ce château qu’il croyait perdu sans retour, elle l’a racheté. J’ai omis, pour laisser au récit toute sa simplicité, plusieurs épisodes pleins de fraîcheur et de grace. Pour mieux expliquer le sens et la portée du récit, je l’ai réduit à ses lignes principales. Cependant je ne puis me défendre d’appeler l’attention sur la première entrevue de Madeleine et de Maurice. Il y a dans cette scène un parfum de jeunesse dont rien, à mon avis, ne saurait surpasser la douceur.

J’ai réuni à dessein Marianna, Fernand et Madeleine, quoique ce dernier récit soit séparé de Marianna par un intervalle de sept années. C’est qu’en effet ces trois romans sont unis entre eux par une étroite parenté. Nous retrouvons dans ces trois romans le même procédé, la même alliance ingénieuse et déguisée de la philosophie et de la poésie, la même habileté à tirer l’action de la pensée, à personnifier dans les acteurs les idées révélées par la réflexion. Il me reste à parler du Docteur Herbeau, de Mademoiselle de la Seiglière et de Catherine qui, bien que traités avec le même talent, bien qu’écrits d’un style aussi châtié, n’appartiennent cependant pas à la même famille, et montrent sous un aspect inattendu la manière de M. Sandeau. Dans Marianna, dans Fernand, dans Madeleine, nous avons rencontré des émotions sérieuses, une profonde connaissance de l’ame humaine et des passions qui l’agitent ; dans le Docteur Herbeau, dans Mademoiselle de la Seiglière, dans Catherine, nous sommes doucement charmés par une sorte de gaieté ne permettait pas de pressentir. Les amours du docteur Herbeau et de Louise Riquemont rappellent, en plus d’une page, la manière de Mackenzie et de Sterne. Ce mélange de raillerie et de