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cole, comme ayant expliqué et fait apprendre à l’enfant les divers chapitres du Coran.

D’autres chants moins graves succédaient à ces litanies.

« Ô vous, jeunes filles, qui nous entourez, disait l’arif, je vous recommande aux soins de Dieu lorsque vous peignez vos yeux et que vous vous regardez au miroir !

« Et vous, femmes mariées ici rassemblées, par la vertu du chapitre 37 : la fécondité, soyez bénies ! — Mais, s’il est ici des femmes qui aient vieilli dans le célibat, qu’elles soient à coups de savates chassées dehors ! »

Pendant cette cérémonie, les garçons promenaient autour de la salle le sirafeh, et chaque femme déposait sur la tablette des cadeaux de petite monnaie, après quoi on versait les pièces dans un mouchoir dont les enfâns devaient faire don aux faquirs.

En revenant dans la cliamhre des hommes, le mutahil fut placé sur un siège élevé. Le barbier et son aide se tinrent debout des deux côtés avec leurs instrumens. On plaça devant l’enfant un bassin de cuivre où chacun dut venir déposer son offrande, — après quoi il fut emmené par le barbier dans une pièce séparée où l’opération s’accomplit sous les yeux de deux de ses parens, pendant que les cymbales résonnaient pour couvrir ses plaintes.

L’assemblée, sans se préoccuper davantage de cet incident, passa encore la plus grande partie de la nuit à boire des sorbets, du café, et une sorte de bière épaisse (bouta), boisson enivrante, dont les noirs principalement faisaient usage, et qui est sans doute la même qu’Hérodote désigne sous le nom de vin d’orge.

V. — LA FORÊT DE PIERRE.


Je ne savais trop que faire le lendemain matin pour attendre l’heure où le vent devait se lever. Le reis et tout son monde se livraient au sommeil avec cette insouciance profonde du grand jour qu’ont peine à concevoir les gens du Nord. J’eus l’idée de cadenasser l’esclave dans la chambre de la cange, ce qui aurait passé pour très naturel, et d’aller me promener vers Héliopolis, éloigné d’à peine une lieue.

Tout à coup je me souvins d’une promesse que j’avais faite à un brave commissaire de marine qui m’avait prêté sa cabine pendant la traversée de Syra à Alexandrie. « Je ne vous demande qu’une chose, m’avait-il dit, lorsqu’à l’arrivée je lui fis mes remerciemens, c’est de ramasser pour moi quelques fragmens de la forêt pétrifiée qui se trouve dans le désert, à peu de distance du Caire. Vous les remettrez, en passant à Smyrne, chez Mme  Carton, rue des Roses. »

Ces sortes de commissions sont sacrées entre voyageurs ; la honte d’avoir oublié celle-là me fit résoudre immédiatement cette expédition