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« Mon bien-aimé est coiffé d’un chapeau brodé ; — des nœuds et des rosettes ornent sa ceinture.

« J’ai voulu l’embrasser, il m’a dit : Aspetta (attends) ! Oh ! qu’il est doux son langage italien ! — Dieu garde celui dont les yeux sont des yeux de gazelle !

« Que tu es donc beau, Fart-el-Roumy (Barthélémy), quand tu proclames la paix publique avec un firman à la main ! »

IV. — LE SIRAFEH.


À la rentrée du mutahil, tous les enfans vinrent s’asseoir quatre par quatre autour des tables rondes où le maître d’école, le barbier et les santons occupèrent les places d’honneur. Les autres grandes personnes attendirent la fin du repas pour y prendre part à leur tour. Les Nubiens s’assirent devant la porte et reçurent le reste des plats dont ils distribuèrent encore les derniers reliefs à de pauvres gens attirés par le bruit de la fête. Ce n’est qu’après avoir passé par deux ou trois séries d’invités inférieurs que les os parvenaient à un dernier cercle composé de chiens errans attirés par l’odeur des viandes. Rien ne se perd dans ces festins de patriarche, où, si pauvre que soit l’amphitryon, toute créature vivante peut réclamer sa part de fête. — Il est vrai que les gens aisés ont l’usage de payer leur écot par de petits présens, ce qui adoucit un peu la charge que s’imposent, dans ces occasions, les familles du peuple.

Cependant arrivait, pour le mutahil, l’instant douloureux qui devait clore la fête. On fit lever de nouveau les enfans, et ils entrèrent seuls dans la salle où se tenaient les femmes. On chantait : « Ô toi, sa tante paternelle ! ô toi, sa tante maternelle ! viens préparer son sirafeh ! » À partir de ce moment, les détails m’ont été donnés par l’esclave présente à la cérémonie du sirafeh.

Les femmes remirent aux enfans un châle dont quatre d’entre eux tinrent les coins. La tablette à écrire fut placée au milieu, et le principal élève de l’école (arif) se mit à psalmodier un chant dont chaque verset était ensuite répété en chœur par les enfans et par les femmes. On priait le Dieu qui sait tout, « qui connaît le pas de la fourmi noire et son travail dans les ténèbres, » d’accorder sa bénédiction à cet enfant qui déjà savait lire et pouvait comprendre le Coran. On remerciait en son nom le père, qui avait payé les leçons du maître, et la mère, qui dès le berceau lui avait enseigné la parole.

« Dieu m’accorde, disait l’enfant à sa mère, de te voir assise au paradis et saluée par Maryam (Marie), par Zeyneb, fille d’Ali, et par Fatime, fille du prophète ! »

Le reste des versets était à la louange des faquirs et du maître d’é-