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punique, puisqu’il est certain que Phéniciens et Carthaginois n’étaient qu’un seul et même peuple. Toutefois je dois ajouter ici que les monumens épigraphiques puniques se partagent en deux classes bien distinctes. La première contient les inscriptions écrites avec l’alphabet phénicien pur ; la seconde, les inscriptions écrites avec un alphabet un peu modifié dans la forme, mais qui dérive très visiblement du phénicien ou punique primitif. Ce second alphabet, qui certainement était adopté en Afrique antérieurement au temps de Juba, roi de Mauritanie, n’a pas présenté plus de difficultés pour être retrouvé que l’alphabet primitif. Les mêmes élémens de certitude étaient entre les mains des investigateurs ; ainsi médailles et inscriptions bilingues, formules funéraires ou votives assez nombreuses pour pouvoir se contrôler l’une par l’autre, telles ont été les ressources plus que suffisantes qu’on a dû mettre en usage pour arriver d’une manière précise à la connaissance complète de cette seconde écriture, évidemment dérivée de la première. Pour achever de donner une idée nette et précise de la méthode de déchiffrement qui a servi à éclaircir le sens des monumens épigraphiques phéniciens et puniques, il me suffira de citer un seul exemple. Il s’agit d’un cippe funéraire fort modeste déterré au Pirée en 1832 et portant une légende grecque qui signifie :


IRÈNE DE BYZANCE,

et une légende phénicienne que tout le monde après Louis Anger a lue et traduite :

IRÈNE, CITOYENNE DE BYZANCE,

en se servant de l’alphabet adopté généralement, et contre la valeur duquel on ne pensait pas qu’il pût désormais s’élever aucune réclamation. N’est-il pas plus que probable qu’une pareille coïncidence ne peut être fortuite, et cette lecture ne fournit-elle pas la confirmation la plus palpable des valeurs alphabétiques qui l’ont donnée ?

Voici cependant que M. le général Duvivier, dans un écrit récemment publié, a proposé une nouvelle traduction de l’épigraphe d’Irène. Cette traduction est fort remarquable, ainsi qu’on va le voir. Je transcris :


« Inscription phénicienne du tombeau d’Irène de Byzance. On l’a traduite par : Irène, citoyen de Byzance, en torturant l’hébreu.

« Faire d’une femme un homme est une idée toute moderne. La véritable traduction est celle-ci : L’aigle prit son vol, fit retentir le bruit de ses ailes, se précipita, jeta la terreur dès le lever du soleil (c’est-à-dire dès sa jeunesse).

« N’est-ce pas là l’histoire fidèle de la jeunesse d’Irène de Byzance ? »


A tout ceci il y a quelques objections à faire. La femme à laquelle fut