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uns y ont vu de l’irlandais tout pur, d’autres, comme Joseph Scaliger et Samuel Petit, ont, en l’analysant, cru reconnaître une très grande analogie entre la langue punique, dont ils avaient un échantillon sous les yeux, et la langue hébraïque ; mais que d’efforts il leur a fallu faire pour ramener à des formes hébraïques les amas de lettres que cent copistes à la file avaient transcrites sans s’inquiéter de la valeur de ces lettres et du sens qu’elles devaient comporter, parce que cette valeur et ce sens leur étaient absolument inconnus ! Qu’on juge des altérations profondes que toutes ces défectuosités successives, dues à la négligence des copistes, avaient fait subir au texte primitif, et l’on n’aura plus le droit de s’étonner de l’effrayante dissemblance des traductions qui ont surgi coup sur coup. De tous les savans qui se sont occupés en premier lieu du fameux passage du Pœnulus, Bochart est, sans contredit, celui qui a le plus approché du véritable sens. Jusqu’à lui, on avait mis à l’écart comme inutile ou plutôt comme gênante la traduction latine que Plaute lui-même s’était chargé de faire de la tirade punique qu’il avait introduite dans sa pièce. Bochart démontra que cette traduction était légitime, et, depuis lui, la première condition que se sont imposée tous ceux qui ont abordé le même sujet a été de rechercher avant tout le sens donné par Plante. Il y a quelques années, Gesenius, après avoir recueilli toutes les variantes offertes par les manuscrits les plus anciens, a repris la traduction du passage punique du Pœnulus, et a fait faire quelques pas de plus à l’explication de ce curieux morceau ; mais le dernier mot n’est apparemment pas dit encore, car, depuis Gesenius, M. le docteur Judas a introduit quelques heureuses modifications dans les traductions proposées jusqu’à lui, et un très habile orientaliste, M. Munck, prépare une nouvelle étude sur le même sujet. Espérons que ce dernier travail ne laissera plus rien à désirer.

Je viens d’énumérer les ressources que l’antiquité lettrée nous a léguées pour nous aider à retrouver la langue phénicienne : quelques assertions écrites en passant et un lambeau de dix vers horriblement estropiés par les copistes qui ne les comprenaient pas, voilà tout. C’était bien peu sans doute, et pourtant ce peu suffisait pour établir d’une manière satisfaisante qu’entre le phénicien et l’hébreu il devait avoir existé une très grande affinité, affinité qu’on avait pu d’ailleurs s’attendre à rencontrer, puisque ces deux langues étaient parlées par deux nations de même origine et limitrophes. Disons maintenant ce que l’étude des monumens originaux échappés aux ravages du temps a fait naître successivement de théories et d’explications.