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déjeuner, le bruit d’une chaise de poste les attire à la fenêtre. Deux jeunes filles en descendent, accompagnées d’un beau cavalier. Leur physionomie inquiète, l’empressement de ce dernier à réclamer des chevaux, tout annonce un événement mystérieux, et de fait c’est d’un enlèvement. qu’il s’agit. Clarence Norman, camarade de collège de Félix Goldthumb, vient de décider la belle Florentine à s’échapper du pensionnat de miss Tucker pour venir le rejoindre. Dans cette belle expédition. Florentine s’est fait accompagner par miss Bessy Tulip, sa meilleure amie. Qu’en arrivera-t-il ? Dieu le sait, et Félix s’en inquiète, car Florentine l’intéresse, et Clarence Norman est le neveu et l’héritier d’un fier baronnet, sir Gilbert Norman, très peu disposé à tolérer une mésalliance. Par bonheur pour nos imprudens jeunes gens, on est déjà sur leurs traces. Miss Tucker, cette maîtresse de pension que le professeur Truffles avait naguère fascinée, et qui garde de lui un tendre souvenir, malgré certains procédés assez peu délicats dont elle pourrait l’accuser, miss Tucker, disons-nous, avertie à temps, rattrape dès le premier relais les deux écolières fugitives. Clarence Norman, qui s’est éloigné un moment pour se procurer des chevaux, n’est pas là pour lui tenir tête, et les deux brebis égarées, reconnaissant la houlette habituelle, rentrent sans l’attendre au bercail qu’il leur avait fait déserter. Quand il revient avec des chevaux, on lui remet pour toute consolation, avec les adieux de Florentine, un portrait qu’elle avait de lui, et dont on a jugé la restitution indispensable.

Quels merveilleux changemens le temps va-t-il amener dans ces intérêts, dans ces caractères divers ? C’est là, selon le titre de la pièce, ce qu’il s’agit de savoir. Cinq années s’écoulent. Durant tout ce temps, Clarence Norman a voyagé par ordre de son oncle, qui, le jugeant bien guéri de sa passion romanesque, le rappelle enfin près de lui. Florentine a perdu son père, et, maîtresse d’une fortune indépendante, elle vient de s’établir à la campagne, dans le voisinage du château qu’habite sir Gilbert. Là, sous la garde de miss Tucker, qui a dû fermer son pensionnat abandonné, la belle et romanesque enfant cultive les heureuses dispositions que le ciel lui a départies. Cependant, avant de prendre ce parti et de s’ensevelir dans cette riante retraite, elle a voyagé long-temps sans que personne sache où elle est allée. Plus tard, sans doute, ce mystère s’éclaircira. En attendant, laissez-nous vous présenter un jeune couple qui, dans le même intervalle de temps, a serré les nœuds de l’hymen. Miss Bessy Tulip, la sémillante et légère miss Bessy, a épousé Félix Goldthumb, que son père avait fait partir pour les Indes, mais qui, rencontrant, au retour, son aimable compatriote, a saisi cette occasion toute naturelle de renoncer au célibat.

Ces cinq années, à fécondes en événemens, ont amené d’autres