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faite des dix dernières années, serait un peu plus que l’estimation transmise à l’illustre auteur de l’Essai politique sur la Nouvelle-Espagne. Les documens publiés par le préfet du département du Potosi, confirmés par un voyageur qui a pu consulter lui-même les livres de la monnaie, montreraient que, de 1556 au 1er  janvier 1835, la production de la montagne du Potosi, indépendamment des autres mines qui approvisionnent la monnaie, a été de 734,205,903 piastres. En y joignant, pour les onze premières années de l’exploitation, 28,827,590 piastres, estimation déduite du témoignage de quelques-uns des écrivains anciens choisis parmi ceux qui sont le plus dignes de foi, et notamment de Herrera et du père Acosta, on a un total de 763,033,493 piastres, jusqu’au 1er  janvier 1846, ce serait, à raison de 788,011 piastres pour chacune des onze dernières années, 771,701,618 piastres, toujours sans compter ce qui est sorti en contrebande. Beaucoup d’argent a été dirigé ainsi vers le Brésil par les vallées qui, du sommet des Andes, descendent vers l’orient, c’est-à-dire vers cet empire. L’argent est attiré au Brésil par une cause analogue à celle qui en fait tant expédier en Chine, beaucoup moins intense cependant : il y est rare, les mines ne donnant que de l’or. Autrefois, et surtout à l’époque de la grande splendeur du Potosi, la contrebande paraît avoir été fort considérable. Le père Acosta, qui écrivait à la fin du XVIe siècle[1], la dit d’un tiers. C’est ce qui a pu être de son temps ; mais il ne paraît pas, d’après ce que m’ont rapporté des personnes qui ont été sur les lieux, qu’il faille ajouter, pour le présent, plus d’un septième au produit officiel[2]. En moyenne, nous supposons avec M. de Humboldt que l’exportation clandestine a été d’un quart, parce que, par exception, la grande production du Potosi a eu lieu à l’époque où le contrôle de la métropole était le plus impuissant. On arrive ainsi à 965 millions de piastres ; mais, en admettant que ces calculs soient irréprochables, nous ne sommes pas encore au terme des difficultés, car, dans ces comptes, ce n’est pas la même piastre qui a été usitée au commencement et à la fin. Actuellement la piastre dont il s’agit est de 8 et demi au marc castillan, la piastre de 8 réaux, la piastre enfin qui répond, poids pour poids, en argent fin, à 5 francs 43 centimes. De la découverte à une époque indéterminée comprise cependant entre 1580 et 1600, c’était la piastre de 13 réaux et demi.

  1. La date de son ouvrage sur l’histoire naturelle et morale des Indes est de 1591.
  2. Les mines du Potosi sont loin des côtes, dans une contrée où la difficulté des transports est inouie ; les droits de la couronne auraient été faciles à y maintenir, s’il s’était rencontré des autorités qui voulussent en prendre la peine et qui ne se missent pas de connivence avec les fraudeurs. L’absence de l’or dans les lingots du Potosi devait rendre la fraude moins tentante. La diminution du droit royal, qui du quint fut réduit à la dime en 1736, ne put manquer de réduire l’exportation furtive. Il est vrai qu’alors la grande production du Potosi était passée.