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millions de francs. Cinquante ans plus tard, le nombre de ces gigantesques réservoirs était porté à trente-deux. Ils étaient échelonnés de manière à se vider l’un dans l’autre. Les orifices de mines dont la montagne était percée n’étaient pas moins de cinq mille. Quinze mille Indiens, arrachés par la mita au doux climat de la plaine, enlevaient les minerais des entrailles de la terre ; un nombre égal d’Indiens libres faisaient la besogne des ateliers. Le Potosi était célèbre dans les deux mondes, et aujourd’hui encore il est synonyme de la richesse par excellence.

Une fois passé le premier quart du XVIIe siècle, la production des mines du Potosi commença à décroître. Cependant, à la fin du XVIIe siècle, elle était encore de 78,920 kilogrammes, ou 17,500,000 fr. de notre monnaie. À cette époque, la teneur du minerai était diminuée dans une forte proportion, elle égalait à peine celle du minerai mexicain de nos jours ; mais la matière minérale était toujours inépuisable, et c’était une compensation. La production baissa encore pendant la première moitié du XVIIIe siècle. En 1789, elle était remontée à 89,828 kilogrammes, soit 20,000,000 francs. Elle devint un peu plus forte pendant la dernière période décennale du XVIIIe siècle ; mais elle était en baisse lors du soulèvement des colonies. Le Potosi conservait cependant le second rang parmi les mines d’argent de l’Amérique espagnole et du monde, et rendait près du double de toutes les mines de l’Europe réunies. Déjà, en 1799, l’extraction n’est légalement accusée qu’à 77,000 kilogrammes. Pendant la première période décennale du XIXe siècle, elle a été de 61,000 kilogrammes. Pendant la lutte de l’indépendance, elle fut un moment presque à rien. Depuis quinze ans, elle varie de 18 à 22,000 kilogrammes[1]. C’est peu sans doute eu égard au passé de ces lieux si fameux, mais c’est encore près de la moitié de ce que rendaient toutes les mines de l’Europe au commencement du siècle présent.

Il s’en faut bien que les mines de Potosi soient près de l’épuisement, quoique un historien célèbre, Robertson, l’ait annoncé depuis long-temps. Le minerai du Potosi, de même que le minerai mexicain, est d’une faible teneur en argent, mais de même aussi il se présente en très grande abondance, Ce qui en reste dans le sein de la terre forme une masse presque infinie. Le préfet du département du Potosi, dans un rapport qu’il adressait au gouvernement bolivien, en 1832, estimait que le minerai extrait, du sein de la terre était, en volume, de 1 milliard 394 millions de mètres cubes, et qu’il en restait à enlever à peu près autant (1 milliard 383 millions de mètres cubes). Il est vrai que le minerai

  1. Dans le cours de ce paragraphe, je n’ai indiqué que les quantités officiellement déclarés pour la perception de l’impôt ; il faudrait, selon les époques, y ajouter un quart, un cinquième, un septième à cause de la contrebande.