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homme modeste n’a cependant pas une statue, pas le moindre monument érigé à sa mémoire, pas une pierre tumulaire, pas même une inscription. Il est vrai que, sur le continent tout entier de l’Amérique espagnole, Colomb et Cortez eux-mêmes avaient été laissés dans le même abandon.


IV. — DES MINES D’OR.

Jusqu’ici nous ne parlons que de l’exploitation des mines d’argent, sans nous occuper de l’or, auquel cependant semble appartenir le premier rang. C’est que l’or se présente souvent comme un produit accidentel ou accessoire des mines d’argent. Les mines d’or proprement dites ont un moindre intérêt. Par la modicité relative de la valeur qu’elles produisent ordinairement, ainsi que par les circonstances naturelles qui leur sont propres, et par le traitement auquel on les soumet, c’est une part moins curieuse et moins intéressante du domaine de l’industrie humaine. La plupart des mines d’or qu’on exploite ou que l’on connaît ne sont point en roches. Ce ne sont point des filons ou des couches qu’on poursuive avec acharnement dans les entrailles de la terre en faisant de profondes excavations, en demandant à la mécanique des prodiges, et d’où l’on retire le métal par d’autres tours de force. L’or n’y est point dans un état d’association complexe avec d’autres métaux ou avec quelques-unes de ces substances non métalliques qu’on dégage des métaux avec difficulté, le soufre, le chlore, ou avec des demi-métaux, tels que l’arsenic et l’antimoine. Presque toujours l’or est à l’état natif, c’est-à-dire de métal libre, allié pourtant à une proportion plus ou moins faible d’un autre métal noble, l’argent, et les gisemens d’où on le retire sont des couches de sables superficielles ou à peu près, alluvions déposées par les eaux. La nature s’est montrée à la fois prodigue et avare de ce métal : prodigue en ce sens qu’elle l’a très fréquemment fait apparaître dans les liions dont elle a injecté la croûte de la planète, ou même dans les masses rocheuses qui occupent une partie des continens, mais excessivement avare en ce qu’elle ne l’a jamais semé qu’en rares parcelles, si bien que, dans la plupart des gîtes où il a été ainsi placé, il exigerait des frais tels que l’industrie devrait y renoncer. Par une opération postérieure, la nature s’est chargée elle-même d’en concentrer les infiniment petits qu’elle avait dispersés dans les filons ou dans la pâte des roches. Lorsque l’enveloppe de la planète fut remaniée par les eaux, qui alors se mirent en mouvement par masses puissantes, afin d’arrondir les flancs des chaînes et d’adoucir les aspérités de la surface, une immense quantité de roches fut triturée. De là les terrains d’alluvion qui occupent à la superficie du globe un si grand espace, et dont la présence était nécessaire pour que la terre pût être mise en culture et nourrir la