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terreuses, et il suffit de chauffer celui-ci sous une cloche de bronze pour que l’argent reste seul.

Trois cents ans après que ce procédé empirique avait réussi, la science chimique, si glorieuse et si fière, et qui a tant le droit de l’être, en a découvert le secret. Combiné avec le soufre, et à plus forte raison avec l’antimoine et le soufre ensemble, l’argent était, on l’a vu, inattaquable au mercure ; le sel et le magistral servent à le dégager de ces combinaisons et à le faire passer à l’état de chlorure, qui, en présence du mercure, dont la torta a été semée, cède son chlore à une partie de celui-ci, de sorte que l’argent, devenu libre, peut se combiner avec une autre partie du même métal. Au contact du sel, le sulfate de cuivre, qui est l’élément actif du magistral (chlorure de sodium), se change en bichlorure de cuivre. L’action du bichlorure de cuivre sur l’argent sulfuré donne naissance à un chlorure d’argent. L’eau chargée du sel dont la torta est imprégnée a la faculté de dissoudre celui-ci, qui serait absolument insoluble dans l’eau pure, et, une fois dissous, il est décomposé par le mercure. Les repasos ou foulages sous les pieds des mulets sont indispensables, non pas seulement par cette cause générale que le mouvement et l’agitation facilitent toute action chimique, mais par un motif particulier : le bichlorure de cuivre n’a point une action énergique sur l’argent sulfuré, c’est seulement à la surface qu’il le transforme en chlorure d’argent saisissable et décomposable par le mercure. Il faut donc absolument renouveler les surfaces, et c’est à quoi sert le piétinement des hommes ou des bêtes.

Dans cette opération, l’on perd toujours une certaine quantité de mercure, non pas de celui qui est passé à l’état d’amalgame, car l’amalgame restitue son mercure en entier[1] ; mais l’action chimique du magistral et du sel fait passer directement une portion du mercure à l’état de chlorure et d’autres combinaisons peut-être, qui restent dans les boues et qu’on ne saurait en retirer. De là une perte accidentelle, variable, inutile au succès de l’opération, inévitable pourtant. Une autre perte, mais celle-là nécessaire, déterminée, fixe, et qui se pourrait calculer, provient de ce que l’argent, une fois chloruré, cède son chlore au mercure. Cette absorption de mercure est presque exactement égale

  1. En plaçant l’amalgame primitif dans des chausses dont la partie inférieure est en cuir et le fond en toile à voile bien serrée, il s’en écoule du mercure, et il reste un amalgame solide contenant cependant encore quatre ou cinq parties de mercure contre une d’argent. Cet amalgame est moulé en fractions de disque qu’on dépose de manière à en former une colonne sur un support en fer. Le tout se recouvre d’une cloche de bronze qu’on entoure de charbon. Le mercure mis en vapeur par le feu va se condenser, au fur et à mesure, dans un réservoir rempli d’eau sans cesse renouvelée, qui est au-dessous du support de la colonne. La perte en mercure qui a lieu pendant cette distillation est insignifiante, de moins d’un millième.