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alluvions aurifères, l’or est à l’état métallique. Dans les minerais mexicains autres que les colorados, au contraire, l’argent, au lieu d’être dans sa condition simple de métal libre, mêlé d’une manière mécanique seulement à des matières terreuses, est engagé dans ces combinaisons qui paralysent complètement l’affinité qu’il a pour le mercure. Le problème était donc nouveau et très compliqué.

Le minerai est d’abord pilé au bocard[1], puis réduit en farine dans les arrastras, bassins circulaires où le minerai sortant du bocard est placé à l’état de bouillie très liquide, sur laquelle se promènent en tournant deux ou quatre blocs de pierre dure appelés voladoras[2]. A cet état, le minerai, séparé par dépôt de l’excès d’eau et ramené ainsi à l’état de pâte, est étendu en immenses gâteaux plats (tortas) de 12 à 15 mètres de diamètre, et d’une épaisseur de 20 à 25 centimètres, sur l’aire dallée de la cour (patio) servant d’atelier. Une torta contient, selon les localités, de 50,000 à 75,000 kilogrammes. On y mêle du sel et l’on donne un repaso, c’est-à-dire qu’on y fait tourner au galop pendant plusieurs heures des mulets ou des chevaux, au nombre de huit à quinze, selon les dimensions de la torta ; puis on met le magistral et du mercure, et on donne un nouveau repaso. Pendant un intervalle qui, selon la nature du minerai et la saison, varie de quinze à trente jours, et va même à deux mois et à trois quelquefois, on laisse la masse travailler sur elle-même, non sans y aider par des repasos. Par des lavages en petit sur une sébile, on constate le moment où tout le mercure est converti en amalgame solide, ou pour mieux dire non coulant, car c’est une masse molle. A ce moment, on verse une nouvelle quantité de mercure, qui, après un nouveau délai d’une douzaine de jours, se transforme de même en amalgame sec. On reconnaît que tout l’argent susceptible de s’amalgamer a été absorbé par le mercure, lorsqu’en ajoutant une dernière proportion de celui-ci, au lieu de se coaguler il reste fluide. Dès-lors l’opération est terminée. On lave la pâte de la torta dans une cuve en bois ou en pierre (lavadero), où on l’agite avec des râteaux tournans que met en mouvement un attelage de mules. Des lavages supplémentaires achèvent de séparer l’amalgame des matières

  1. Le bocard est un appareil formé de plusieurs pilons de bois places verticalement les uns à côté des autres et terminés à leur extrémité inférieure par une masse de fer. Un arbre horizontal en bois, muni de longues saillies ou cames, qui est mu quelquefois par une, roue hydraulique, le plus souvent au Mexique par un manège, soulève successivement ces pilons placés les uns à côté des autres, les fait battre sur le fond d’une autre où l’on place le minerai à pulvériser, après qu’il a été concassé à la main en fragmens de la grosseur d’une noix.
  2. Au centre de l’auge circulaire s’élève un arbre vertical en bois, ayant deux traverses en croix. Les voladoras s’attachent à ces traverses. L’une des traverses dépasse les bords de l’auge assez pour qu’on puisse y atteler de front deux mules qui font tourner l’arbre et les voladoras.